Ils nous emmènent au dernier étage de l’hôtel du Littoral et nous enferment dans un local. La salle est petite et sombre, je distingue à peine Zhera, seule une petite lucarne éclaire très faiblement la pièce ; j’essaye d’enfoncer la porte, mais je n’y arrive pas, il n’y a rien à faire, la porte est verrouillée.
J’entends des pas. Je me demande bien ce qu’ils font. Par curiosité, je monte sur un seau à serpillières pour voir ce qu’il se passe. Depuis la lucarne je peux apercevoir la ruelle étroite sur laquelle donnent les entrées de service et les issues de secours. Cinq femmes vêtues de blanc, chargées de seaux et de produits ménagers s’apprêtent à rentrer dans l’hôtel : sûrement les femmes de chambre qui prennent leur service.
Quelques minutes plus tard, Charlie et sa mère sortent, les bras chargés de leur butin qu’ils jettent dans le coffre d’une luxueuse voiture avant de démarrer en trombe.
Cela fait presque deux heures que nous sommes enfermés là, et toujours aucun moyen de s’enfuir.
Zehra s’est hissée à son tour sur le seau pour épier les mouvements dans la ruelle. Seul l’homme à la peau mate est sorti, peu de temps après le départ de Charlie et sa mère, pour passer un coup de fil. Le rayon de soleil qui filtre sous la porte ne me permet pas de distinguer qui arrive mais j’entends quelqu’un. Une clé glisse dans la serrure. Je vois Zehra qui panique pendant que mon cœur s’accélère : enfin une chance de s’en sortir ! C’est peut-être la fin de ce calvaire ! Soudain la porte s’ouvre sur une femme dont le regard m’est familier.
Sous l’uniforme de la femme de chambre, je reconnais la plus âgée des femmes du clan. Elle est suivie d’un policier qui se présente sous le nom de Nacer.
Grâce à eux nous sommes enfin libres !
Nous descendons dans le hall de l’hôtel du Littoral et la doyenne du clan nous raconte l’histoire de Charlie et de sa mère. C’est là que j’apprends que la mère de Charlie était à la tête du clan il y a bien des années de cela. « Un jour, un voyageur perdu est arrivé chez nous … », commença-t-elle.
Pendant qu’elle égrène ses confidences, Nacer reçoit un message de la patrouille en charge des fugitifs : « Ils se dirigent vers la frontière suisse ! » s’exclame-t-il avant de réclamer que des renforts arrivent dans l’autre sens pour bloquer les fuyards.
« Et elle est tombée amoureuse, reprend la vieille femme, folle amoureuse de cet homme qu’elle a épousé en cachette, sans l’accord du clan. Puis nous nous sommes rapidement aperçues qu’elle dilapidait notre or. Elle devenait une menace pour le groupe. Nous avons alors décidé de la bannir. Un jour une des femmes du clan l’a croisée par hasard dans les alentours. Elle avait déclaré en montrant le ventre rond qui tendait sa tunique que son fils la vengerait, et qu’elle s’enrichirait coûte que coûte.
– Et elle a réussi ! s’exclame Nacer, cela fait deux ans qu’on la surveille mon collègue et moi, suite à de nombreuses plaintes des clients de l’hôtel du Littoral qui voyaient disparaître pendant leur séjour, leurs bijoux ou leurs cartes de crédit. »
Un nouveau message fait vibrer le téléphone de Nacer : « L’opération est un succès ! Charlie et ses complices sont arrêtés. »
Quelques jours plus tard, on organise un grand buffet dans la forêt de Champfromier. Nacer, bien sûr,est aussi invité. Quant à moi j’ai décidé de rejoindre le clan car depuis le jour où j’ai suivi ces 6 femmes, ma fascination s’est transformée en lien puissant que je ne peux plus rompre. Aujourd’hui une cérémonie me consacre chef du clan, ce qui me rend très fier. Mais ce qui fait mon plus grand bonheur, c’est d’épouser Zehra.