Histoire 2

(Léonard)
Une belle soirée de pleine Lune, on a célébré l’anniversaire de Bison
Et j’ai dit à Armande grillée « Faut t’déplacer !
C’est ce jour-là qu’ça s’passe ! »
On invite le président sans retard
Pour faire plaisir à notre star.
Immédiatement, Emmanuel m’a mis un vent.
Alors j’ai dit :

(Léonard et Armande)
On n’est pas là pour se faire kidnapper
on est là pour la fête à Bison
On n’est pas là pour se faire attraper
on est venu fêter ses cent années !
Si Macron s’était déplacé, ça aurait vraiment plu à Bison
Laissez-nous donc nous amuser
Sinon plus tard quand Macron sera là
Ma parole, nous on r’viendra pas !

(Bison)
L’jour de mon anniversaire, quelle affaire, le sosie de Boris Vian était là
Mais c’n’était pas pour ma fête à moi, mais pour enl’ver Arman-an -de !
On est sortis très inquiets, la chercher
pour savoir où elle s’était échappée
Mais j’ai compris devant l’gâteau au chocolat
Alors j’ai dit :

On n’est pas là pour se faire arnaquer,
On est là pour la fameuse soirée
On n’est pas là pour se faire arnaquer
On est v’nus pour danser et trinquer
Si tout le monde restait toujours tout seul
Ce s’rait vraiment très désagréable
Ouvrez la porte aux invités
Ne me décevez pas ou bien la prochaine fois,
Ma parole, ben ce s’ra sans moi.

(Chloé et le père)
On nous a accusés si fort cette fois-là qu’on a enquêté et voilà
Qu’on se r’trouve à l’Elysée vers minuit devant Monsieur Macro-on
Il y avait quelques ministres qui rentraient 
Mais sitôt qu’on approchait du méfait
On est r’foulé et Macron s’est mis à râler 
Alors j’ai dit : 

On n’est pas là pour se faire arrêter
On est venus la récupérer
On n’est pas là pour se faire arrêter
On est là, il est temps d’avouer
Si vous mentez, vous s’rez sanctio-nné
Il faudra v’nir au cocktail danser
Si vous voulez rester à l’Elysée
Et y’a Bison qui viendra tout le temps
Car elle vous prend pour Boris Vian-an

C’qui prouve qu’en s’regroupant quand il est encor’temps
On peut finir cette belle soirée en dansant !

Salut Armande grillée,

Je m’inquiète beaucoup pour toi, j’espère que ton ravisseur ne te fait pas trop de mal comme de te faire écouter en boucle un album de Philippe Katherine… Tiens bon : tu pourras bientôt sentir à nouveau le vent faire voler tes cheveux et te caresser le visage car je l’ai démasqué.
Je viens de passer cette semaine à chercher des indices, à les rassembler, à suivre de fausses pistes, à me tromper, à tout reprendre depuis le début… Jusqu’à ce qu’enfin tout concorde et que la vérité s’impose d’elle-même.
Qui pourrait vouloir les livres de Boris Vian ? Quelqu’un lui ressemblant, étant sûrement son descendant et souhaitant récupérer un héritage familial dont il se sent spolié.
Qui pourrait enlever une jeune fille gentille et aimable qui enquête sur la disparition des œuvres de Vian, alors que nous n’en avons parlé à personne ? Quelqu’un qui nous surveille particulièrement parce que c’est lui que nous cherchons, et qui sait tout ce qui se passe dans le pays. Quelqu’un qui se sentirait en danger à cause des progrès de notre petite enquête personnelle… soit le voleur !
Ce que tu ignores, c’est que Monsieur le Président est le fils de Boris Vian qui a été placé en famille d’accueil et a pris le nom de ses parents adoptifs.
Et oui, Emmanuel Vian, qui dois certainement lire ce mail par dessus l’épaule d’Armandinounette, j’ai percé votre secret ! A l’âge de 15 ans déjà vous avez été pris la main dans le sac entrain de voler des livres de votre père. Vu que vous n’étiez pas majeur, cela n’apparaît pas sur votre casier judiciaire, mais merci internet, qui garde la trace de tout !
Maintenant, à nous Monsieur Vian ! Si vous voulez que ces éléments restent entre nous, abandonnez l’idée de jouer les gangsters et d’acquérir une quelconque rançon (c’était habile de votre part, cette histoire de rançon, pour me mettre sur la piste d’un vulgaire malfaiteur. J’ai bien failli m’y laisser prendre, je l’avoue). Je tairai les informations dont je dispose à votre sujet en échange, bien sûr, d’une petite contrepartie. Comme je suis très dur en affaires, aucune négociation ne sera possible : vous devez vous soumettre à ma volonté (#je prendstroplaconfiance, #leventtourne, #tuescuitmonpoulet) et accepter toutes les conditions que je vous imposerai. Celles-ci sont simples : libérez Armande, rendez les livres que vous avez chourés à mon père, et surtout rendez une petite visite hebdomadaire et courtoise à ma Bison chérie afin de danser avec elle le biglemoi tout en sirotant ses cocktails préférés.
Si vous refusez, je n’aurais aucune pitié à vous dénoncer et à aller crier « SCANDALE » à l’Elysée ainsi que sur les réseaux sociaux. Je vous laisse imaginer le badbuzz…
Amenez votre prisonnière sur le pont Alexandre III demain à midi : nous aviserons en fonction de l’état physique et moral de mon amie et je déciderai alors si votre dette envers ma famille, mes proches et moi augmente ou non.
Ne soyez pas en retard, je n’aime pas attendre.
Auf Wiedersehen,
Léonard

Bison apprécie les chansons,
Surtout celles de M’sieu Vian ;
Elle va avoir cent ans.

Pourtant elle est toujours à fond :
Avec ses yeux vairons
Elle voit toujours des phoques

Et a beaucoup d’idées loufoques.
Sa pointure est trente-six
Comme son idole Boris.

Dans sa piscine aménagée,
Ses belles couettes colorées
Par les phoques sont admirées
……………………………………………………..

Je me décide à y aller.
Je sors de ma maison.
Je m’ rends à l’Elysée.

Quand j’arrive devant le portail,
Je d’mande à voir Macron
Je m’ fais refouler... Aie !

Par hasard, je le vois sortir
J’m’approche et j’l’interpelle.
Il veut bien m’accueillir.

Je lui parl’ de l’invitation
Il m’ dit final’ment non !
Déçu, je repars chez moi.

Bison veut donc y aller,
C’est une mauvaise idée.
…………………………………………………………

Notre Bison est contrariée
Car il a refusé
Ma belle invitation.

Elle est partie à l’Elysée
D’un pas bien décidé
Pour supplier Macron

Et lui faire un cadeau givré :
A chaque fois qu’il mettait
La main dans ce veston

Il sortait une invitation !
Il fut bien obligé
De finalement y aller.
…………………………………………………………..

Je joue trois notes de trompette,
Votre boisson est prête.
Récupère ton cocktail.

Tout l’ monde déguisé en phoque,
Bison est sous le choc,
Quelle surprise pour elle !

Et tout à coup elle chancelle :
Le président Macron
Dans sa propre maison !

C’est pour elle bien trop émouvant
Bison en a pleuré,
Mais on s’est bien amusé.

Jusqu’à ce qu’un doute me hante :
Je crois qu’il y a une absente…
……………………………………………………………….

Je suis très inquiet pour Armande
Car elle est en retard
Cela me rend malade

Son avion est parti trop tard ?
Je n’ai pas de nouvelles
Cela me donn’ le cafard

J’ai essayé de l’appeler
L’avion s’est-il crashé ?
S’est-elle fait kidnapper ?

A-t-elle rencontré le voleur ?
A croire qu’elle l’a suivi
Aurait-elle un malheur ?
…………………………………………………………………..

J’ai reçu un message vocal,
Armande m’a alerté,
Elle a l’air d’aller mal :

« J’ai vu tout près de chez Bison
Un homme dans les buissons
Et je me suis méfiée.

J’ai commencé à l’espionner
Mais il a disparu,
Derrière lui j’ai couru.

Il m’a piégée et kidnappée ;
Me force à t’envoyer
Ce message très urgent.

Pour me revoir mon garçon,
Il faut payer un’ rançon. »

Salut Armande grillée,

Tu ne devineras jamais comment j’ai réussi à inviter le Président ?
Je lui ai envoyé une lettre pour le centenaire de Bison et il a été super emballé car 100 ans, en France, c’est pas rien ! Ensuite, je lui ai directement envoyé ta chanson et il l’a adorée. C’est pour ça qu’il m’a envoyé sa garde républicaine pour m’amener à l’Elysée. Figure-toi qu’il voulait nous remercier pour l’invitation et pour la chanson qui parle de lui. Il a dit qu’elle était géniale cette chanson !
Après, je suis allé faire les achats pour la fête et les cadeaux de Bison. Et toi, tu as trouvé les chaussures en peau de bison ?
Tu sais que j’ai suivi ton idée et que je suis devenu un "garde-Vian" pour surveiller la librairie de mon père. L’autre jour, j’étais en train de faire mes devoirs quand j’ai vu quelqu’un sortir en courant de la librairie. J’ai aperçu seulement une silhouette. Je ne pourrais même pas dire si c’était un homme ou une femme mais je sais que la personne portait un faux Lacoste !
Je continue l’enquête car les livres de Vian continuent de disparaître.
J’ai même demandé à Bison si c’était elle qui prenait les livres. Ça l’a fait bien rire !
Elle m’a répondu : "Ça peut pas être moi car comme tu peux le voir, j’ai déjà tous ses livres !"
Parlant de Bison, tu sais quoi ? Sa dernière folie : elle veut acheter un terrain avec une piscine pour y mettre des phoques, genre refuge pour phoques ! Oui, tu as bien lu ! Elle veut même aller en Ecosse à la nage dans une combinaison de plongée jaune à pois rouges, pour les ramener. Remarque on aurait dû se méfier car ça faisait longtemps qu’il y avait des mètres carrés de photos de phoques sur les murs de sa chambre. Heureusement qu’on a réussi à la l’empêcher de réaliser son projet !
En tout cas, elle a dit que sa combinaison, elle va la mettre à la fête et que ça ira très bien avec des couettes qu’elle teindra en fluo.
Au fait, aujourd’hui, j’ai vécu quelque chose de surréaliste. Tu vas avoir du mal à y croire.
Si j’étais Bison, je dirais que déjà au petit déj, quand j’ai posé mon chocolat chaud et mon jus d’orange sur la table, elle est devenue moitié marron, moitié orange.
Ou alors, je te dirais tout simplement ce qui s’est passé au collège : il y a un gars que je déteste, qui s’appelle Jordan. Il est venu vers moi et il a insulté mon arrière-grand-mère. Il m’a énervé alors je l’ai tapé et il m’a tapé aussi. Je lui ai filé un coup de poing dans l’oeil et il est parti à l’hôpital. Tu vois, même moi j’ai du mal à croire que je l’ai VRAIMENT fait !
Il se passe des trucs vraiment bizarres dans ma vie : j’ai même rangé ma chambre, du coup, Crâne d’ œuf va mieux. Il devait avoir besoin d’air. C’est le seul cactus que j’ai laissé ... finie la serre tropicale. Le problème, c’est que ma mère recommence à entrer dans ma chambre !
Quand est-ce que tu arrives à Paris ? J’ai tellement de choses à te dire !
Comme quoi, me direz-vous madame Castafiore ?
Comme la nouvelle note que je sais faire à la trompette : le "LA"... Je suis très fier de moi. Boris n’a qu’à bien se tenir !
Ah oui, avec mon père, on a fini par réparer le pianocktail, tout neuf, du coup on sera gazés en virgin mojitos et Bison pourra savourer son cocktail préféré, tu sais, celui aux poivrons rouges et haricots verts. Tu l’avais adooooooré l’année dernière !

Il reste plus beaucoup de temps avant le Big Day... c’est chaud !

A +

Léonard

Tout à coup, j’ai eu une idée de cadeau géniale pour Bison, on oublie les chaussures en peau d’elle même. On va lui offrir le Président de la République en personne. Elle en est dingo. Il faut réussir à inviter ce Monsieur à la fête. Ce n’est pas gagné mais j’ai bon espoir. J’ai écrit une chanson en guise de carton d’invitation, tu la trouveras en pièce jointe. Tu sors ta plus belle voix, tu me l’enregistres en MP3, et ensuite on l’envoie à l’Élysée. Tu te rends compte du coup de pub que ça peut lui faire ? Hystérie sur les réseaux sociaux. Danser le be-bop avec une centenaire endiablée, il n’y a rien de tel pour redonner le moral aux français. À sa place, je n’hésiterai pas une seconde. Ça va marcher, je te dis. Il faut oser les choses les plus folles, je me dis. La vie est trop courte pour se prendre les pieds dans le tapis, surtout s’il est rouge.
Hier, on a eu une réunion d’urgence à Ville d’Avray au sujet de la librairie de mon père, qui s’appelle L’Écume des livres. Figure-toi qu’il y a un loup avec les livres de Boris Vian. Ils disparaissent les uns après les autres.
Ça a commencé avec L’Écume des jours. Mon père avait invité toute la famille à fêter l’inauguration du magasin, on était là au milieu du papier imprimé, le dernier client venait de partir après avoir signé un gros chèque pour l’intégrale de Balzac, on sort le champagne de fête et Bison, ravie, caracole jusqu’à la lettre V.
Vallès. Verlaine. Vernes. Ah ! Te voilà Vian. Bonjour, très cher ! Et voilà L’Arrache-coeur. Et voilà Vercoquin et le plancton. Mais pourquoi tu n’as pas L’Écume des jours ?
Mais si, je l’ai, enfin, quand même, pour qui tu me prends ?
Mais non.
Mais si.
Mais non, ou alors tu l’as déjà vendu, peut-être ?
Mais non, je m’en souviendrais, quand même.
On a cherché l’Écume dans tous les recoins de la librairie, pour rien du tout. Il s’était comme écumé dans l’air, justement.
Le lendemain, mon père a mis un nouvel Écume dans les rayonnages (en qualité de petit-fils de Bison, il en avait commandé tout un stock) et rebelotte : disparu !
Et re-rebelotte le lendemain : évaporé dans la nature !
Alors, fou de rage, mon père a déménagé la collection de Boris Vian près de la caisse pour l’avoir sans arrêt à portée de vue. Il l’a surveillée toute la journée mais quand il est revenu des toilettes (il faut bien, quand même), il manquait non seulement L’Écume des jours mais aussi Les Lurettes fourrées.
Et ça ne fait que s’aggraver de jour en jour, c’est une catastrophe !
Hier, J’irai cracher sur vos tombes. Avant-hier, le premier volume de la Pléiade.
Bison s’est auto-proclamée détective en chef. Avec la souris grise, elle fait des schémas très compliqués pour tenter de comprendre l’énigme.
Donc :
– Soit il s’agit d’un voleur extérieur à la famille.
Un voleur de Vian. Un cambrioleur spécialisé. Un Vianbrioleur, comme dit Bison. Car j’ai oublié de te dire que les autres écrivains de la librairie restent sagement alignés dans le bon ordre alphabétique. Il n’y a que les livres de Vian qui se font la malle.
Et dans ce cas-là, ce pourrait être la S.P.A.V : la Société Protectrice des Amateurs de Vian qui veulent garder les livres de leur idole pour eux tout seuls, les égoïstes.
Ou un fan fou isolé, très difficile à démasquer.
Ou un officier de renseignement du ministère de la Défense qui trouve que l’écrivain ressemble trop au Président de la République, ça lui fait de l’ombre.
– Soit il s’agit d’un voleur interne à la famille.
Et alors, les soupçons volent spontanément vers Mamie-Chloé : on l’a gavée de Vian toute son enfance, elle se venge. Elle débarrasse la littérature de ce snobinard, comme elle dit. Des étudiants sans le sou travaillent pour elle et glissent les fameux livres dans la doublure de leur manteau, ni vu ni connu. Elle récupère le butin et le découpe en mille morceaux, elle le brûle, comme son chagrin.
Bison penche pour cette hypothèse mais ça me semble trop simple pour être vrai.
– Soit encore c’est un phénomène paranormal.
Un monstre invisible qui dévore du Vian dès qu’il en voit ?
La librairie elle-même qui a une allergie à la plume de Vian ?
Un virus anti-Vian dans l’atmosphère ?
Comme tu le vois, je suis un peu perdu. J’ai besoin de tes conseils au plus vite. À distance, tu y verras plus clair que moi, j’en suis sûr.
J’ai oublié de te dire : sur ma lancée Opération corps de rêve, j’ai commencé un régime à base de pamplemousse trempé dans du yaourt à l’ail, une recette de Bison, c’est dur mais je m’accroche !
C’est super que tu puisses venir à la surprise-party. On va bien se marrer avec le Président.
Applique-toi pour la chanson, je compte sur toi !
Tschüss !
Léonard