Tu fais un pas de côté. Tu t’approches car tout cela t’intrigue. A la vue du modèle posant si gracieusement, ton cœur se serre. Elle te ressemble tant que c’en est troublant : cheveux bruns, lisses, yeux marrons, plutôt grande. Tu en restes figée.
"Je vous pris de patienter, je finis ma toile" dit le peintre. Il se tourne alors vers vous, dévoilant ainsi le tableau. Oui, c’est bien lui. Dès le premier coup d’œil, vous le reconnaissez, ce fameux tableau. Vous l’avez vu des milliers de fois.
De son côté, le peintre semble sidéré. Il balbutie :
« Amandine, cette jeune fille vous ressemble singulièrement ! »
Tu te tournes vers elle.
– Moi, c’est Armande ! Et mes parents tiennent une brasserie en 2017.
– Pourquoi en 2017 ?
Tu soupires, un peu embarrassée. Puis, tu as une idée. Tu sors ta carte d’identité et la tends à Amandine. Elle la lit à voix haute :
« -Armande Delaunay, née le 23 décembre 2002, articule-t-elle lentement. C’est... c’est incroyable car le nom de mon mari est Delaunay et...
Tu t’écries, pleine d’espoir :
– Alors, vous seriez mon arrière-grand-mère ?
– Arrière-arrière-grand-mère, précise-t-elle. »
Tes yeux se remplissent de larmes de bonheur. Cette femme est ton aïeule !
Tu discutes avec Amandine, sans t’arrêter : tu veux tout savoir sur elle et elle tout sur toi.
Au bout d’une heure, tu as noué tant de liens avec ton ancêtre que tu as complètement oublié pourquoi Léonard est là. Tu fixes ton ami. Ou plutôt ton ami devenu adulte. Tu ne le reconnais pas tant que ça. Peut être à cause de cette barbe qu’il a laissé pousser.
Comme s’il lisait dans tes pensées, Léonard déclare :
« Ce n’est pas pour le plaisir que j’ai voyagé dans le temps, Armande. C’était pour te protéger. Tu sais, nous sommes encore amis en 2031. Mais toi... tu deviens très malheureuse. »
Tu ne comprends pas où il veut en venir.
– Ne soupires pas, je t’explique continue Léonard. Je viens de 2031 pour t’empêcher de détruire le tableau…
– Une minute ! Pourquoi je le détruirais ? répliques-tu.
– Un peu de patience, j’y viens. En 2017, tu étais fascinée par la ressemblance entre toi et la jeune fille peinte sur ce tableau. Mais tu ne réussissais pas à trouver la moindre information sur ce tableau. À tel point que tu as fini par le voler et un jour, sous le coup de la colère, par le détruire à coups de couteau.
Après cette révélation, vous restez silencieux pendant un long moment.
Tu es très reconnaissante envers Léonard mais tu as besoin de quelques minutes pour comprendre ce qui se passe en toi.
"Maintenant que je sais qui est mon ancêtre j’aimerai bien rester avec elle. Après tout, pourquoi ne pas rester en 1908 ? Je suis bien ici. Chez moi, mes parents sont toujours débordés. Ici, au moins, je serais heureuse.
Je m’emballe vite je sais.
D’un autre côté, si je reste en 1908 , mes parents s’inquièteront, mes amis du présent se demanderont où je suis. Cela signifierait abandonner mes parents, mes amis, Léonard (le vrai) et tous les souvenirs que nous avons partagés ensemble."
Léonard te regarde, interrogatif. Tu réponds à sa question muette :
"C’est un choix difficile. Je vais retourner dans le présent, en laissant derrière moi mes chagrins, mes doutes... mais aussi mon ancêtre. Je ne te remercierai jamais assez pour tout ce que tu as fait pour moi, tu es comme un frère."
Soudain, tu doutes :
"-Léonard. Et si ce n’était qu’un rêve ?
– Tiens. Je te donne mon bracelet Et si tu l’as en 2017, c’est que ce n’est pas un rêve."
Le bracelet est une chaine argentée avec des horloges accrochées.
Amandine s’approche de vous : "Alors, tu veux retourner là-bas ?"
Elle tombe en sanglots. Toi aussi, tu pleures. Mais tu sais que le meilleur est de partir et vivre ta vie. Tu adresses un dernier adieu à Amandine et au peintre puis tu rejoins Léonard. Il fait un pas dans le tableau et tu le suis sans hésitation.
Tu t’arrêtes en 2017 et il continue jusqu’en 2031.
Tu rentres enfin chez toi. Tu as envie de raconter ton histoire à tes parents et surtout à Léonard.
Face à toi, ta mère affiche un air sévère :
« -Armande.. Peux-tu m’expliquer ce que tu faisais pendant tout ce temps ?
– Je... J’étais...
Une grande bouffée de tendresse t’envahit. Tu fais un énorme câlin à ta mère. Tu lui dis : "Maman ! Tu m’as manquée !". Elle est surprise. Elle ne sait plus quoi dire. "Armande ! Mais enfin ! Bon, ça fait quand même plaisir !"
Maintenant, tu te dis qu’ils ne te croiraient pas et que tant que toi tu y crois, ça suffit. Tu as quelque chose autour du poignet. C’est le bracelet de Léonard !