Rêves-tu ? Te demandes-tu, en boucle. Tu es là, sur le banc dans le parc Monceau, prés de chez toi. Tu distribues ou plutôt tu jettes des miettes de pain aux pigeons parisiens, qui te tiennent compagnie. Tu aimerais, en ce moment même, être comme eux, t’envoler, ne pas penser, être libre de faire ce que tu veux. Mais non, tu es Armande, une jeune fille qui n’a pas de complicité avec ses parents, l’amie de Léonard, celle qui a été mêlée à une affaire de tableau...Tu ressens subitement le besoin d’aller au cimetière pour te recueillir sur la tombe de ta grand-mère. Une fois arrivée devant l’emplacement encore tout frais, tu tombes à genoux et commences à pleurer. Tout ce qui s’est passé ces dernières semaines te met dans cet état là, aujourd’hui. Tu en as tellement gros sur le cœur que tu lui racontes tout ce qui t’es arrivée. Ton sentiment d’abandon parce que tes parents ne s’occupent pas de toi, ta visite chez l’antiquaire après l’incroyable découverte, la rencontre de Léonard, vos discussions interminables et votre complicité incroyable, votre départ pour Rome, la recherche du tableau, la douce musique qui te rappelait tant ton enfance. Et tous ces secrets dont tu n’avais aucune idée.… et qui ont bouleversé ton existence. Que d’événements en si peu de temps pour une adolescente ordinaire.
Tu te retournes vers la tombe de ta grand-mère et avec une voix tremblante, tu murmures : Maintenant que je les connais, grand-mère, je voulais aussi que tu les connaisses. Voilà tu sais tout. On va pouvoir avancer maintenant.
Soudain la pluie se met à tomber et emporte tes larmes avec elle. Cela te fait tellement du bien de pouvoir te confier à ta Nona. La pluie redouble, alors tu sors ton parapluie et tu cours jusqu’à la brasserie. Sur le chemin tu trébuches et tombes. Les cheveux mouillés qui te cachent le visage, tu te relèves. Tu es trempée de la tête aux pieds mais tu t ’en fiches. Ton parapluie est soudain emporté par une rafale, tu t ’en moques.Tu continues à marcher, tu penses...
Tu rentres dans la brasserie de tes parents et un sentiment de nostalgie monte en toi. Toute ta famille est présente. Tu regardes ton grand-père Armando. Tu es bouleversée de le retrouver seulement aujourd’hui.Tu lui en veux de t’avoir abandonnée. Puis ton regard se pose sur Léonard, ton avis ne change pas sur lui, toujours aussi fidèle, le seul qui ne t’a jamais abandonnée. Pour toi c’est un modèle. Ton attention se porte ensuite sur tes parents. Eux qui t’ont déçue, eux qui ne t’ont jamais apportée de l’attention ni même de l’amour, penses-tu. Tu le leur dis :
Vous ne vous êtes jamais occupés de moi. Vous consacrez tout votre temps à la brasserie. Vous ne m’aimez pas. Tu cries que tu souhaites que cela s’arrête. Tu es en larmes. Ton père et ta mère te prennent dans leurs bras et t’embrassent tendrement. Ils te demandent pardon. Vous êtes tous là entre le rire et les larmes. Une nouvelle vie commence pour toi. Ta vie va-t-elle rester aussi paisible qu’elle y paraît ? Que vas-tu découvrir d’autre ? Voilà toutes les questions que tu te poses à présent. Enfin vous vous mettez à parler plus sereinement, à grignoter, à rigoler jusqu’au moment où je rentre dans votre champs de vision.....
Ta mère lâche sa coupe encore pleine de champagne qui se casse aussitôt en mille morceaux. Serait-ce une apparition ? Comment est-ce possible ? Ta mère est comme paralysée, tout lui revient en tête.
Tout le monde me regarde, toi aussi, vous avez la bouche pendante, grande ouverte. Tu te remets à pleurer en me voyant.
Grand-mère, tu n’es pas morte ?!
Je ne suis pas ta grand-mère, je suis sa sœur jumelle.
Ce n’était pas ta grand-mère sur le tableau. C’est moi qu’Armando a peint, même lui n’était pas au courant.
Oh non ! cela ne va pas recommencer, dis-tu en t’asseyant sur la première chaise que tu vois. Un mélange de joie, d’étonnement et de colère t’envahit.
Mon entrée a crée une grande surprise personne ne savait que j’existais. Pourquoi Nona ne vous a-t-elle jamais parlé de moi ?