Le mercredi matin, Rose attend que ses parents soient partis au travail pour s’échapper discrètement de l’appartement. Elle prend le bus pour rejoindre la bibliothèque où elle a rendez-vous avec Salim et Marielle.
Ces derniers ne cachent pas leur joie de la retrouver et de pouvoir partager avec elle leurs découvertes et lui montrent la documentation récoltée à propos de Fernando. Elle apprend qu’il s’agit d’un éminent historien brésilien spécialiste de la tribu Mundurucu. Elle brûle d’envie de le rencontrer, ils partent donc sur le champ en direction du restaurant.
Quelques minutes plus tard, ils émergent de la bouche de métro et se dirigent vers le Boulevard Pages dans le neuvième arrondissement de Marseille. Assis en terrasse, ils commandent trois jus de goyave qu’ils sirotent en bavardant, excités par cette nouvelle aventure.
Une dizaine de minutes plus tard il reconnaissent Fernando en la personne d’un jeune homme brun, au teint mat qui s’approche d’eux d’un pas décidé tout en relevant ses lunettes de soleil. Il porte une chemise en lin, claire, froissée, dont les pans retombent sur un jean élimé. Les deux filles ne peuvent détacher leurs regards de ses baskets Taygra slim aux couleurs du Brésil.
Rose se lève, suivie de ses deux amis, pour accueillir Fernando qui les invite à le suivre à l’intérieur du restaurant :
– Venez à l’intérieur, nous serons plus tranquilles pour discuter de notre affaire.
Sa voix, suave et mystérieuse agit comme un envoûtement sur les trois adolescents qui s’exécutent sans objection.
– Installons-nous dans ce petit coin, dit-il en adressant un salut amical au patron et à la serveuse du restaurant. Voulez-vous boire, manger quelque chose ?
– Non, merci, nous préférerions pouvoir aborder rapidement le sujet qui nous intéresse, répond Marielle qui, jusque là, était restée discrète.
– Moi, j’ai faim, rétorque Fernando en se saisissant de la carte, je ne peux pas parler de choses sérieuses le ventre vide.
Les trois jeunes gens échangent des regards dépités et agacés. Rose propose alors de commencer la discussion en attendant d’être servis. Fernando acquiesce et les prie de l’attendre, le temps d’aller se laver les mains. Alors qu’il s’éloigne, le trio remarque le sac étrangement volumineux que Fernando a poussé du pied sous son siège. Mu par la curiosité, Salim demande à ses complices de surveiller la porte des toilettes tandis qu’il plonge la main sous la chaise pour ouvrir et fouiller le sac. La fermeture éclair résiste un peu, Salim force et découvre avec stupéfaction d’étranges cheveux qui jaillissent… La tête Mundurucu ! Complètement paniqué, le garçon tente de refermer le sac, pressé par les injonctions de Rose qui vient de voir la porte s’entrouvrir. Maladroit dans la précipitation, il n’en a pas le temps et repousse du pied le sac à sa place. Il n’y a plus qu’à espérer que Fernando ne s’aperçoive de rien.
Celui-ci arrive en même temps que son plat apporté par la serveuse : sauvés… pour un moment !
Sans perdre un instant, Rose entame la conversation voulant en savoir davantage sur ses activités.
– Quelle est la nature de votre travail ? Travaillez-vous depuis longtemps sur les tribus brésiliennes ?
– Je prépare une thèse sur la transmission des rituels ancestraux des trophées humains dans l’héritage des cultures sud-américaines.
– Qu’est-ce que cela veut dire exactement ? demanda-t-elle impressionnée et amusée par ce langage de spécialiste.
– J’étudie l’importance des croyances, de la transmission de la religion et de la culture de nos ancêtres. Mais pourquoi toutes ces questions ?
Rose sent la gêne la gagner, elle rougit et son visage se crispe. Que va-t-elle bien pouvoir répondre ? C’est à ce moment-là que le hasard vient à son secours car Fernando laisse tomber sa serviette par terre. En se baissant pour la ramasser, celui-ci s’aperçoit que son sac est entrouvert : quelques cordes de cheveux dépassent !
Se redressant, l’air de rien, il propose aux trois amis de prendre une glace et les invite à se rendre au comptoir afin de choisir leurs parfums.
Les adolescents obtempèrent en silence puis, une fois devant le bar, ils s’interrogent : Fernando a-t-il remarqué quelque chose ? Que doivent-ils faire ?
C’est le moment que choisit Fernando pour prendre la fuite, son sac à la main.
Alerté par les cris des passants bousculés, le trio s’élance à sa poursuite sans réfléchir.
En slalomant entre les voitures, Fernando est violemment percuté et projeté sur le pare-brise d’un véhicule en stationnement. Le choc est si brutal qu’il en perd son sac. Rose se précipite et le récupère. Un attroupement se forme… Les secours arrivent ainsi que la police à laquelle Rose remet le sac qui contient le précieux trophée.
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histoire 7
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Ce que grandir veut dire
27 janvier 2016, par Collège André Lassagne, Collège André Lassagne, Collège André Lassagne -
Cantinho do Brasil
15 décembre 2015, par Collège Pierre Brossolette, Collège Pierre Brossolette 2Rose et son professeur subirent deux longues heures d’interrogatoire avant que la police ne les laisse partir. Rose retrouva ses parents, son père notamment, de très mauvaises humeur après les heures d’inquiétude qu’il venait de subir. Ne serait-il donc jamais tranquille avec l’éducation de Rose ? Déjà l’an passé, il y avait eu cette histoire dans le quartier, quelques garçons qui fumaient, et Rose qui s’était retrouvée prise avec eux, alors qu’elle avait annoncé se rendre à un atelier d’écriture. Depuis leur déménagement, la vie avait du mal à reprendre son cours. Rose avait de piètres résultats scolaires et passait ses soirée sur internet. Ses parents s’inquiétaient et l’appel de la police ce jour même avait fini de les accabler.
Rose était maintenant enfermée dans sa chambre depuis trois jours. Son père refusait pour l’instant qu’elle ne retourne au collège et ne voie son professeur d’histoire. Elle était donc officiellement malade. Suivant avec passion les information régionales elle émettait mille hypothèses quant au vol de la tête Muduruku. Selon les premier éléments de l’enquête, le voleur serait parvenu à neutraliser les systèmes de sécurité afin qu’aucune alarme ne se déclenche. Les système de video surveillance avait également été mis hors de service, ou plus exactement, les bandes de la nuit du vol avaient disparu. Tout portait à croire que le voleur avait un complice à l’intérieur du musée. Rose ébaucha soudain les solution les plus invraisemblables qui fussent. Son professeur ne lui avait-elle pas dit que son cousin travaillait dans l’équipe de surveillance de ce musée ? Aurait-elle volé la tête ? Si oui pourquoi ? Pour elle ? Rose ? Impossible !
La décision de son père de la garder confinée durerait bien quelques jours encore, Rose ne pouvait rester inactive. Elle décida d’utiliser le seul moyen dont elle disposait (internet) pour lui venir en aide. C’est sur Twitter qu’elle lança le #Munduruku. Elle était prête à tout afin d’obtenir la moindre information. Elle pensa également à ses amis du groupe d’écriture qui se réunissait le mercredi à douze heures trente, Place de la Joliette. Pourquoi ne pas se servir de cette histoire pour écrire un formidable roman policier ?Salim et Marielle accueillirent l’idée avec enthousiasme. Déjà ils se renseignaient sur les techniques d’investigation, avaient profité de quelques connaissances pour se documenter auprès de professionnel d’un groupe cinophile de la gendarmerie. Ecrire leur donnerait des idées sur les possibles du vol. Un réseau international ? Un groupe ésotérique ? Il allaient commencer par les responsables de La vieille Charité.
Bientôt, à force d’échanges, ils obtinrent un rendez-vous avec Fernando, descendant d’une grande famille Brésilienne. Il avait travaillé plusieurs années au MAAOA où il animait les atelier « masques » à destination des jeunes publics, avait été professeur de capoeira, mais surtout, il avait fréquenté de près le président Brésilien lui-même dont il avait été le garde du corps lors de sa venue à Marseille sous d’obscurs motifs l’année précédente. Il leur avait promis de leur livrer de précieuses informations. Rendez-vous était pris pour le mercredi suivant dans le restaurant "Cantinho do Brasil" -
3/ La nuit au musée
16 novembre 2015, par Collège Emile Zola, Collège Emile Zola, Collège Emile ZolaRose raccroche brusquement ; La nuit est tombée, la cour du musée illuminée par le soleil couchant s’éloigne sous les ombres des bâtiments. Le dôme principal si imposant le jour devient terrifiant. Pour se rassurer, elle fixe les mots du panneau d’entrée qui indique aux visiteurs l’accès aux différentes salles. Pour ne pas attirer l’attention, elle s’écarte un peu de la grille et se tourne vers la place où quelques rares personnes sont encore attablées aux terrasses des différents cafés. Il est tard et le temps s’est refroidi. Un petit vent la fait frissonner. Elle n’est pas très couverte. Mais que fait son professeur ? Elle fait quelques pas vers la rue Rodillat qui mène vers le port. C’est là que se trouve une de ses inscriptions préférées « Partager nos créativités pour servir nos humanités ». C’est cette phrase qui l’a incitée à entrer en résistance. Non elle ne veut pas déménager ! Qui pouvait mieux la comprendre que son professeur d’histoire, elle qui lui avait tant parlé des révoltes des peuples opprimés. C’est aussi elle qui lui avait fait connaître le journal « fatche » dans lequel les habitants du Panier essaient de conserver la mémoire du quartier envahi par les promoteurs immobiliers.
Plus déterminée que jamais, elle retourne vers la grille d’entrée de La Vieille Charité ; la place s’est vidée et elle se sent désespérément seule. Comme pour se donner du courage, elle fredonne les paroles de la chanson « Seul au monde » de Corneille « Maman m’a dit avant de partir, ne montre jamais tes faiblesses ». Elle essaie de rappeler Mme Adama mais tombe sur sa boîte vocale. Et si elle ne venait pas... C’est alors qu’elle s’aperçoit que la petite grille de droite, celle qui permet d’accéder au bar de la Vieille Charité est légèrement ouverte ! Elle la pousse, celle-ci grince et un chat noir en profite pour se faufiler entre ses jambes en poussant un miaulement sinistre. C’est alors qu’elle entend le bruit d’une moto dont le moteur s’arrête. Bientôt surgit de la nuit une silhouette élancée qu’elle reconnaît immédiatement dans sa combinaison fluide et ses bottes en cuir noir. Son professeur se précipite vers elle et lui intime de se taire : des bruits incongrus semblent venir du deuxième étage du bâtiment percent le silence. Elles échangent des regards et commencent à longer les murs vers la porte de bois qui permet d’accéder aux étages. La main de Rose tremble quand elles s’engagent dans le large escalier de pierres.
Soudain, le portable de Rose sonne. Elle l’éteint rapidement. Un frisson d’effroi saisit les deux jeunes femmes. Elles aperçoivent une ombre qui s’enfuit. Rose pense tout de suite à sa tête Mundurucu ! Elle monte l’escalier en courant, Mme Adama sur les talons. Se rapprochant, Rose découvre avec effroi l’état de la salle Henri Gastaut : les livrets de jeux auparavant sur les comptoirs sont désormais éparpillés sur le sol, des plumes et des éclats de verre jonchent le parquet luisant de la grande salle. Les œuvres océaniennes et amérindiennes sont éclatées, la plupart disparues. Les vitres et les lumières d’exposition cassées, Rose se précipite au centre de la pièce et pousse un cri strident. La tête Mundurucu a disparu ! -
La déchirure
22 septembre 2015, par Collège Colette, Collège Colette, Collège ColetteCe soir, comme pour mieux profiter d’un moment qu’elle pense ne plus jamais revivre, elle décide de ne pas rentrer tout de suite à la maison. Elle veut s’accorder un moment à elle, se retrouver seule pour prolonger cet instant qu’elle voudrait faire durer encore et encore. Alors, au lieu de prendre le chemin habituel, elle fait un détour par la petite place Lorette. Là, un petit banc à la peinture défraîchie est devenu, depuis plusieurs semaines déjà, son petit observatoire à touristes perdus dans les ruelles de la vieille ville, en quête de belles images à ramener chez soi. C’est à peine s’ils la voient en train de les regarder d’un œil furtif, le petit garçon qui fait un caprice parce qu’il veut une double glace vanille-chocolat, le gros monsieur qui sue à grosses gouttes après avoir grimpé jusque-là et le jeune qui vient de s’acheter le tout nouvel appareil photo Canon et qui prend la place sous tous les angles, même les plus improbables… La lumière du soleil est encore vive. Là, perdue au milieu de ces inconnus, elle ne ressent plus aucune inquiétude, plus aucune angoisse pour cette nouvelle vie qui l’attend.
« Rose, c’est toi ? »
Une voix familière la ramène brutalement à la réalité, sa sœur est figée face à elle et la regarde fixement. Son visage est rougi par l’effort qu’elle a dû produire en errant d’une rue à l’autre pour la retrouver.
« Mais qu’est-ce que tu fais là ? On te cherche partout depuis des heures ! Tu as oublié la fête de ce soir que nos voisins organisent à l’occasion de notre départ ?
– Comment veux-tu que j’oublie, on me rabat les oreilles avec ça du soir au matin ! J’arrive ! Je peux souffler un peu, non ?
– Tu souffleras à la maison ! Suis-moi sinon tu t’exposes à de très sérieux problèmes ! »
Le chemin du retour est extraordinairement rapide, sa sœur ne se contente pas de marcher, elle accélère le pas sans même vérifier si Rose est encore derrière elle. Celle-ci titube sur les trottoirs, manque de tomber et galope sans pouvoir jamais la rattraper.
« Attends, qu’est-ce qui te prend ? Attends, je te dis ! »
Elles sont arrivées devant la porte délabrée de leur immeuble, il va falloir grimper encore les cinq étages qui les amènent à leur appartement pour retrouver leurs parents, certainement agacés par une trop longue attente.
Elle ne se lassera jamais de cette rue, des bruits des voisins jusqu’à très tard le soir, de l’odeur de leurs cuisines qui parfument le corridor. Sa sœur l’a précédée et, déjà, elle s’engouffre à l’intérieur de l’appartement. Rose hésite un peu, puis, c’est à son tour de retrouver, peut-être pour la dernière fois, cette pièce qu’elle aime tant. Tous les voisins sont présents au rendez-vous, la table, d’habitude vide, est garnie de plats plus alléchants les uns que les autres. Pourtant Rose ne se sent vraiment pas l’esprit à la fête… Elle ne veut qu’une chose, rester seule et profiter de cette dernière soirée.
Elle se prend alors à rêver… ce masque qu’elle aime tant, si elle allait le voir une dernière fois, comme un adieu à cette vie qui semble révolue. Elle récupère discrètement son sac à dos et y met deux parts du gâteau aux pommes que la voisine du deuxième a apporté, soigneusement emballés, récupère un pull rouge à col roulé qu’elle jette sur ses épaules et quitte discrètement la partie. Personne ne la remarque, ils sont tous trop occupés à boire et à manger, sa mère lui a à peine jeté un regard et son père est en pleine discussion avec le voisin du rez-de-chaussée, qui, lui aussi, s’apprête à déménager pour un eldorado.
Dehors, tout est noir et sombre, elle se met à courir sans but précis. Devrait-elle aller au musée qui est à l’autre bout de la ville ? Ses parents vont s’inquiéter, ils vont être obligés de faire intervenir la police, et si la police sait qu’ils sont des sans-papiers... ils seront expulsés...
Elle fouille dans son sac à dos, saisit son téléphone et compose un numéro qu’elle avait précieusement enregistré dans son répertoire.
« Bonsoir, madame, il est tard, je sais, désolée...
– Bonsoir Rose. Tu as un problème ?
– Non, ne vous inquiétez pas, je n’ai rien. Voilà, comme vous le savez, je pars... je suis très attachée au collège, à vos cours d’histoire...
– Tu as un problème, Rose ?
– L’idée va vous paraître bizarre, je ne veux pas vous mettre dans l’embarras. Je suis devant les portes du Musée, je m’apprête à y rentrer !
– Rose, tu n’es pas sérieuse ? Ne bouge pas ! Ne touche surtout à rien, j’arrive !
– Je vous attends, madame... » -
Quitter le panier
22 septembre 2015, par Joy SormanLe quartier est en rénovation depuis plusieurs années, ses bâtiments vétustes, rongés par le salpêtre, souvent habités par des familles modestes ou pauvres, sont peu à peu réhabilités, et c’est au tour de l’immeuble de Rose. Sa famille vit à 5 dans 45m2, les infiltrations d’eau dans les murs font cloquer la peinture, le parquet gondole, quelques cafards courent le long du tuyau de la gazinière, la douche, couverte de moisissures, fuit en permanence, les murs sont si fins que le moindre bruit les traverse, les fenêtres ferment mal et un carreau cassé a été remplacé par un morceau de bâche bleue, les boîtes aux lettres n’ont plus de serrures, le digicode est en panne, de drôles d’odeurs acides montent des caves, piquent les yeux, irritent la gorge, une fois Rose a même croisé un rat dans l’escalier, et son petit frère Max est souvent malade à cause des courants d’air, de l’humidité ; pourtant Rose aime son immeuble, l’ambiance conviviale qui y règne, la solidarité entre les habitants, le beau célibataire corse du rez-de-chaussée, la famille nombreuse du deuxième étage, l’étudiante marocaine du troisième, le couple turque du dernier étage, et la vieille dame du Pas-de-Calais venue à Marseille à la mort de son mari pour finir ses jours au soleil.
C’est comme si Rose ne voyait que les bonnes choses, la part solaire et heureuse de l’existence, comme si elle restait étanche à cet environnement hostile et insalubre. A ses yeux, la vie en communauté, fraternelle, gaie, compense largement les difficiles conditions de vie, et puis elle est habituée, elle a toujours vécu là, entre ces murs écaillés, elle ne connaît rien d’autre - et une grande part de sa vie se joue aussi au dehors, dans les rues étroites du Panier, sur le Vieux Port, au collège Jean-Claude Izzo, dans les calanques, et au musée. Bien sûr quand ses parents lui disent c’est dangereux ici, c’est épuisant, et puis tu ne voudrais pas avoir une chambre rien qu’à toi ?, Rose sait bien que le plus raisonnable est de partir avant que le toit ne s’effondre sur leurs têtes. Mais le jour où l’assistante sociale chargée de leur relogement débarque à l’heure du café pour annoncer la grande nouvelle, Rose ne peut réprimer un violent pincement au cœur.
Sa mère, qui vend des vêtements sur les marchés, et son père, couvreur-zingueur intérimaire, travaillent tous les deux au grand air et par tous les temps, sur les places venteuses des villages autour de Marseille, sur des chantiers en hauteur ; ils aiment leur métier mais en vivent difficilement, ont besoin de quiétude et d’un peu de confort quand ils ont passé une journée sous la pluie et dans le mistral. Ce nouvel appartement est un soulagement, un nouveau départ, une trouée heureuse dans une existence rude.
L’assistante sociale est venue avec tous les papiers à signer, le bail et le contrat EDF, des photos du nouveau logement, et même un trousseau de clés. C’est dans le quartier Saint-Just, loin du Port, loin de la Vieille Charité, un immeuble flambant neuf, à la façade couleur crème, aux balcons fleuris, aux grandes baies vitrées, moderne, fonctionnel, confortable, un plateau de 80m2 avec 3 chambres et une cuisine américaine. Rose connaît ce quartier excentré de Marseille, elle y est allée une fois, pour l’anniversaire d’une cousine, elle avait trouvé ça morne, trop calme – et Saint-Just est si loin de la tête Mundurucu.Il lui reste un mois à vivre rue de Beauregard et Rose veut organiser un grand banquet d’adieux, adieux qu’elle espère provisoires, une fête à tous les étages, qui déborde sur le trottoir, avec une fanfare, de la sangria, une pièce montée, et des guirlandes lumineuses sur la façade décrépie. Elle a appris que tous les habitants seraient relogés, dispersés dans la ville, que l’immeuble serait bientôt détruit et un nouveau bâtiment construit à la place, une petite résidence sociale avec des panneaux solaires sur le toit et un local à vélos – elle se dit qu’ils pourront peut-être revenir une fois les travaux achevés, réintégrer les lieux, exercer une sorte de droit au retour, car c’est ici chez eux.