« Iris est brune, un peu métisse, les yeux verts, pas très grande … »
Au fur et à mesure que Rose lui décrit son amie, Axel pâlit. Son visage devient blanc comme neige et ses yeux se perdent dans le vague. Rose inquiète, le prend par le bras et l’aide à s’asseoir sur un banc.
" Axel ? " l’interroge -t-elle
Le jeune homme reste muet et immobile. Alors elle réessaie plus fort :
" Axel ? "
Il reprend ses esprits et la fixe quelques secondes. Il commence lentement :
« Je crois que je connais ta nouvelle amie. Il faut que je te raconte notre histoire….
C’était il y a quelques années, mes parents archéologues, participaient à une fouille en Amazonie. J’étais trop jeune pour les accompagner sur le site, je restai donc au village avec Mme Mercier. Iris était la fille des archéologues ayant trouvé le temple maya sur le site archéologique de Cara Blanca. On est très vite devenu complices. Elle était gentille, attentionnée, drôle.
– Elle l’est toujours, affirme Rose.
– On faisait les quatre cents coups ensemble, j’ai certainement passé les six meilleurs mois de toute ma vie. Mais le moment de nous dire au revoir est arrivé.
Le jour de mon départ j’ai offert à Iris un collier semblable à ton collier à tête Mundurucu au dos duquel était gravée une inscription en portugais “Que crescer o que quero diser“. Cette inscription m’avait beaucoup plu, cette phrase sonnait bien. Je n’en comprenais pas exactement le sens mais elle signifiait pour moi qu’on allait se revoir quand on serait grands. Elle me donnait de l’espoir. Je pensais qu’Iris se souviendrait de moi grâce à ce collier. Nous sommes ensuite rentrés et je ne l’ai jamais revue.
" Et si elle ne t’avait jamais oublié ? Si elle t’attendait toujours ? Si c’était elle qui t’avait envoyé cette carte ?"
Le garçon ne répond pas tout de suite, perdu dans ses pensées. Les longues journées d’amusement partagées avec Iris lui revenant en mémoire, il finit par lui demander, décidé à la revoir :
"Rose, tu sais où habite Iris maintenant ?"
Son amie lui sourit.
" Suis moi je t’y conduis. »
Une fois dans le bus la conversation reprend et Rose demande :
« - Et mon collier, tu sais d’où il vient ?
– Mme Mercier adorait les petites babioles dans ce genre. Cela ne m’étonnerait pas que celui que j’ai offert à Iris lui ait plu et qu’elle ait décidé d’acheter le même."
Un silence s’installe pendant le reste du trajet. Axel, la gorge nouée d’appréhension, n’ose dire mot.
- On descend là. »
Ils marchent ensemble jusqu’à la grande maison d’Iris et s’arrêtent devant la porte. Le voyant hésiter, Rose saisit son bras et le serre pour lui donner du courage. Axel la regarde et finit par presser la sonnette.
« Voilà l’histoire de vos parents »
Rose, soixante-cinq ans, est entourée de Jack, Pierre et Jean. En cette triste journée, la famille Martin fait son deuil. Iris est morte, emportée par la maladie. Elle laisse un grand vide dans le cœur de son mari Axel, de ses enfants et de son amie Rose.
« Au fait Rose, ma mère avait un collier avec une inscription en portugais, est-ce que tu sais ce qu’elle signifie ? » demande Jack.
– Tu parles de l’inscription "Que crescer o que quero diser“ ?
– Oui
– Sa traduction est « Ce que grandir veut dire »
Rose juge important de transmettre cette histoire car malgré le temps et la distance, Axel et Iris sont restés proches et se sont mariés quelques années après s’être retrouvés. Les trois enfants ont affronté la vie, les malheurs, les pleurs, les déceptions et la perte. Aimer, accepter, changer, subir mais se relever, rester soudés et se rappeler voilà ce que grandir veut dire.