Amina et moi sommes côte à côte, ligotés ; la corde me gratte, me brûle la peau. Terrifiée, la jeune fille tremble de peur, ses yeux sont grand ouverts et des gouttes ruissellent sur son front. L’air affolé, je m’agite sur ma chaise. Comment ai-je fait pour me retrouver là ?Je commence à paniquer. Mes mains sont moites. La lumière des spots m’aveugle. Un homme du clan nous surveille, il est très grand et tient une arme sous son bras. Dès que je croise son regard, la terreur s’installe en moi. J’ai peur que personne ne vienne nous chercher.
Je ne sais pas quoi dire, ni quoi faire. Amina se redresse, me regarde et chuchote : Hans !
Je tourne la tête et voit un homme ouvrir la porte prudemment, un couteau à la main. Il semble être son compagnon. Je fais un signe de la tête pour lui dire de s’enfuir mais il ne comprend pas. Un garde l’aperçoit et prévient les autres membres du clan. Ceux-ci commencent à se battre contre Hans qui perd son couteau. Un homme rattrape l’arme et poignarde le jeune Allemand.
Amina crie et fond en larmes. Je me dis qu’il faut trouver un moyen de nous libérer, et vite. Je regarde à mes pieds et j’aperçois un bout de verre. Je me balance en avant avec la chaise pour tomber et prendre le tesson lors de ma chute. Un homme du clan me relève et je commence à couper discrètement la corde qui me retient. Enfin ! J’ai enfin les mains libres ! Je me précipite pour couper les liens d’Amina pendant que le clan part se débarrasser du corps.
Nous nous ruons vers la sortie et espérons qu’aucun membre du gang ne nous remarque. Soudain, je me prends le pied dans un câble noir et je m’affale de tout mon long, face contre terre.
– Coupez ! On la refait !
Je me maudis encore une fois pour ma maladresse... Gâcher 20 minutes de pellicule parce que je ne sais pas lever les pieds en courant... Je commence à en avoir assez de jouer dans ce film médiocre. Non mais qu’est-ce qui m’a pris de signer un contrat pareil ? J’essaie tout de même d’avoir l’air enthousiaste et me remets en place avant de reprendre mon rôle pour la énième fois.
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histoire 2
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Délivrance
28 janvier 2015, par Collège Les Servizières, Collège Les Servizières -
Un message parfumé à la fraise...
15 décembre 2014, par Collège Jean-Claude Ruet, Collège Jean-Claude Ruet, Collège Jean-Claude RuetL’un des hommes du clan m’attrape pendant qu’un autre me lie solidement les mains et les pieds avec une corde. J’essaie en vain de me défendre, mais personne ne semble prêter attention à mes propos.
La pièce est particulièrement sombre, le carrelage glacial et poussiéreux, l’eau dans les tuyaux ruisselle sur le sol en gouttant sans cesse : ce bruit est exaspérant, angoissant. Une odeur écœurante de bonbons se mélange aux égouts proches d’ici . Je me sens mal, j’ai la nausée.
Mes yeux tombent sur cette fille qui sanglote, désespérée et hagarde. C’est alors que son visage me rappelle quelque chose : ses yeux noirs très en amande, ses longs cheveux raides et de jais, sa peau très mate : où donc ai-je déjà pu la voir ? Je m’efforce de chercher dans mes pensées, de retracer les événements de la semaine écoulée... Mon travail au bureau : ça y est , ça me revient ! Mon collègue de travail Hans, qui m’avait paru effondré par un chagrin d’amour, sans nouvelle depuis plusieurs jours de la femme de sa vie, prénommée... Amina !!! C’est bien elle ! La ressemblance entre elle et les membres de son clan est frappante : les six femmes aperçues dans le bus, ces hommes au visage patibulaire la regardant avec hargne, l’ayant attachée et moi avec : jusqu’où iront-ils pour l’empêcher d’épouser Hans...? Que feront-ils de moi ?
L’une des femmes, plus jeune que les autres, encore adolescente , s’approche d’Amina et semble lui chuchoter quelques mots à l’oreille : il me semble entendre le prénom de mon collègue, puis elle disparaît aussi discrètement qu’elle était apparue .
J’ignore encore à ce moment-là qu’elle se dirige tout droit vers la salle où sont entreposées les affaires personnelles d’Amina, pour y récupérer son téléphone portable, et envoyer un message de détresse à l’intention de mon collègue : << Amina, en danger, enfermée, usine bonbons, vite !! ramène ta fraise !!!!!!!!>>
A quelques kilomètres de là, devant la machine à café, au bureau , Hans raconte pour la énième fois sa mésaventure amoureuse à qui veut bien l’entendre : plaqué par celle qu’il aimait plus que tout !
C’est alors que son téléphone portable , en mode vibreur pour plus de discrétion, se déclenche dans la poche de son pantalon , interrompant sa conversation . Il sursaute, surpris et plein d’espoir et d’appréhension mêlés : c’est ELLE !!! -
Une jeune fille à sauver
17 novembre 2014, par Collège Val d’Ardières, Collège Val d’ArdièresQuelques secondes s’écoulent encore avant que je me décide, à mes risques et périls, à quitter la cachette où je me suis réfugié, derrière une des anciennes machines à l’arrêt . En me voyant ainsi surgir, la plus vieille des femmes se met à hurler, bientôt imitée par les cinq autres. Leurs cris stridents résonnent dans l’entrepôt. La jeune fille me regarde paniquée, comme un animal pris au piège. Je voudrais bien alors me ruer sur la porte mais tout mon corps est tétanisé. Tandis que je suis là, incapable de bouger, comme si mes pieds étaient ancrés dans le sol, une dizaine d’hommes, alertés par les cris, font irruption dans la salle.
Ils m’encerclent. Ils parlent fort, sont furieux, presque enragés. Leurs regards me glacent le sang. Deux d’entre eux m’empoignent violemment et me font asseoir au centre de la pièce. Je me demande ce qu’ils se racontent dans leur langue. Que vont-ils faire de moi ?
Dans mon hébétement, je remarque leur calotte noire brodée de motifs géométriques aux couleurs vives. Tous les motifs sont identiques comme s’ils appartenaient tous à un même clan, à une même région, ou à une même confrérie. Les plus jeunes se mettent à me poser des questions dans un allemand difficilement compréhensible. Les bourdonnements qui ont envahi mes oreilles et leur accent m’empêchent de comprendre ce qu’ils me veulent. Ma peur accélère les battements de mon cœur. Ma gorge est nouée. Les hommes parlent tous en même temps. Je n’entends plus que des voix. La terreur me submerge comme un raz de marée. Soudain l’un des plus âgés brandit un bâton en haussant le ton. Et d’un seul coup, tout s’arrête. Le silence.
L’homme est vêtu d’un manteau sombre matelassé sanglé d’une ceinture de cuir. Son visage est sec et tout ridé. Il semble fier et porte ses habits avec beaucoup de prestance. Je crois deviner qu’il est le chef. Il fait signe à l’un des plus jeunes assemblés autour de moi, qui s’avance.
Qu’est-ce que je viens faire ? Pourquoi je suis là ? Il s’adresse à moi dans un allemand assez bien maîtrisé. Je le regarde, stupide. Moi-même, je ne sais pas trop pourquoi je suis là. Je regrette d’avoir pris ce taxi pour suivre des inconnues. J’étais bien dans ma petite vie tranquille, bien rangée… Je ne réponds rien. L’homme répète alors sa question d’une voix si ferme qu’elle claque comme un fouet. Je réfléchis à toute vitesse et bafouille que j’ignore la raison pour laquelle je suis venu.
Cette réponse le rend furieux. Il me demande comment j’ai rencontré Amina. Je ne comprends rien à sa question. Devant mon hésitation, il a l’air excédé et devient de plus en plus menaçant. Il veut savoir si Amina m’a donné l’adresse, depuis combien de temps nous nous connaissons.
Ce prénom Amina, plusieurs fois répété pendant cet interrogatoire, je comprends à présent qu’il désigne la jeune fille terrorisée. La peur me l’a fait oublier pendant quelques minutes. Je ne la vois plus parce que les femmes se sont mises à l’écart avec elle. L’homme dont le visage n’est plus cuivré mais rouge de colère s’approche du mien. Il me demande si je compte me marier avec elle.
Je finis par comprendre que je suis au cœur de la famille d’Amina, et qu’ils me soupçonnent d’être son amoureux. C’est une méprise. Mes muscles se relâchent, mon cœur ralentit et je commence à me détendre. J’explique que je ne suis pas celui qu’il pense. Je ne connais pas Amina. Je ne l’ai jamais vue.
A cette réplique, le géant qui me fait face, persuadé que je lui mens, me giffle et m’explique que puisque j’ai eu l’imprudence de venir jusque là pour retrouver Amina, ils vont me donner une bonne leçon à moi aussi. On doit respecter les coutumes du clan.
A ce moment là, retentit un cri, un cri de femme… Amina semble être sortie de sa profonde léthargie et dans un suprême acte de résistance, elle hurle en allemand la phrase que j’attendais : « Laissez-le tranquille. Il n’a rien fait. Ce n’est pas lui. » Puis elle éclate en sanglots. -
6 femmes à poursuivre
25 septembre 2014, par Collège Jean Jaurès, Collège Jean Jaurès, Collège Jean JaurèsArrivé au terminus du bus 666, je ne veux surtout pas perdre leur trace… C’est bien la première fois qu’une chose pareille m’arrive. Je suis sous l’emprise de ces six femmes : je ne suis pas descendu à mon arrêt habituel ; je ne veux qu’une chose, en savoir plus sur elles. Elles se dirigent à grands pas vers l’entrée de l’aéroport. Ce serait vraiment terrible pour moi qu’elles prennent un avion, mais peut-être viennent-elles seulement chercher quelqu’un… heureusement elles bifurquent finalement vers la droite où des vélos monochromes semblent les attendre. Chacune enfourche un engin. J’en ferais bien autant. Je tâte mes poches, mais je n’ai pas d’argent sur moi. Alors j’aperçois à mes côtés un taxi, avec le signal lumineux noir et jaune typiquement berlinois, je le hèle d’un geste bref et je monte auprès du chauffeur. C’est un homme de grande taille, aux courts cheveux bruns et aux yeux bleus. Il acquiesce quand je lui propose un marché : ses services contre ma montre en or. Cette montre me vient de mon grand-père et j’y suis très attaché mais tellement obnubilé par ces femmes que j’en oublie sa valeur. Au loin, je les aperçois encore et je demande au chauffeur de les suivre. Le peloton roule à vive allure, tous ces vêtements sombres qui s’agitent lorsqu’elles pédalent me font penser à un gros chat noir se faufilant au loin !
Je roule maintenant sur la grand route en direction de la zone industrielle dont j’ai déjà entendu parler sans y être jamais allé. De grands arbres inclinés assombrissent la voie.
Nous arrivons à proximité de cette zone, dans sa partie récente. Soudain, au loin, j’aperçois un grand rassemblement autour d’une usine qui a l’air flambant neuve et dont c’est vraisemblablement l’inauguration. Les vélos des six femmes se fondent dans la foule et zigzaguent entre les voitures et les curieux. Je ne les vois déjà plus. Le taxi, au contraire, met du temps à se frayer un chemin…
Notre horizon se dégage enfin : je ne connais pas cet endroit. Les bâtiments que je découvre à présent ont depuis longtemps été abandonnés et la nature tente d’y reprendre maladroitement ses droits. On devine encore sur un panneau bancale l’inscription « Nördlichen Bereich ». Ce paysage désolé ne m’inspire pas confiance mais je ne peux me résoudre à rebrousser chemin. C’est alors que mon regard tombe sur les six vélos garés devant une usine désaffectée. J’ordonne au taxi de s’arrêter et descends du véhicule.
Je rentre dans l’usine. A peine ai-je fait un mètre que j’ai déjà la chair de poule ; cet endroit ne m’inspire pas confiance... Ma tête me dit de faire demi-tour, mais mes jambes avancent toutes seules. L’usine est vieille, dégradée, abandonnée. Des paquets éventrés laissent voir des bonbons de couleurs vives, éparpillés sur le sol. Les murs sont sales et couverts de tags. Cet endroit me paraît soudainement effrayant, j’ai peur, mais je continue d’avancer. Les graffitis semblent des monstres effrayants et, dans la pâle lumière qui rentre par les hautes fenêtres brisées, ils paraissent même vivants. Je repère une porte que je pousse discrètement et je cours me cacher derrière une grosse armoire, tout en essayant de ne pas faire de bruit. Mon cœur bat à tout rompre : les six femmes sont là, elles transportent des cartons dans une autre salle, telles des vestales participant à une étrange cérémonie ; silencieusement je les suis. Cette salle porte le nom de « Dragibus » et cela m’arrache un léger sourire qui ne tarde pas à disparaître car quand je rentre, je découvre une personne allongée sur une table, je ne comprends plus rien à tout cela . C’est une jeune fille, sa robe est déchirée, elle pleure, sa respiration est rapide et son teint est d’une pâleur de marbre... Je vois qu’elle a aussi peur que moi. Je pense que les six femmes vont lui faire du mal ! Mais comment faire pour la sauver ? -
6 femmes
25 septembre 2014, par Joy SormanCes 6 femmes appartiennent à une même famille, mais ce ne sont pas leurs dents en or qui l’indiquent. C’est cette petite tâche brune sur le haut de leur front, à la racine des cheveux, comme la carte d’une île déserte, 6 femmes, 6 taches, 6 îles aux contours différents mais aux superficies équivalentes, que je découvre alors que je me suis enfin approché d’elles, que j’ai avancé vers le fond du bus, les observant à la dérobée.
Une singularité pigmentaire, une étrangeté génétique et poétique, leur peau en commun, qui les prive d’anonymat, les rattache immédiatement et incontestablement à une lignée, famille marquée par une légère malédiction dermatologique. Comment alors passer inaperçu, renier les siens, mentir sur ses origines ?Persuadé maintenant qu’elles sont de même ascendance, je voudrais deviner leurs liens familiaux. Qui est la mère, la tante, la sœur ou la cousine ? Qui a enfanté qui ? Qui est l’aînée et qui a l’autorité ? J’identifie une plus jeune, une plus vieille, mais entre ces deux âges c’est la confusion, l’incertitude, visages mêmement pâles, cheveux onyx d’un brillant égal, yeux en amande, bouches on l’a dit ; peut-être les jupes pour les unes, les baskets pour les autres, les cheveux courts ou longs, noués en queue de cheval ou défaits signaleraient une différence de génération. Leur timbre de voix sont proches également, et ces voix portent loin, du fond du bus jusqu’au chauffeur, phrases sonores, passées à la chaleur buccale de l’or, elles discutent entre elles, visages et bustes tournés les uns vers les autres à intervalles réguliers, dans une langue opaque qui ne ressemble à rien de ce que je connais, une langue lestée de consonnes, aux voyelles elliptiques ou escamotées, sifflées cul-sec comme une liqueur. Elles s’interpellent, se tiennent par les épaules, se désignent du doigt, moqueuses et bienveillantes – et je ne peux détacher mes yeux de leur sidérante parade. Parfois l’une d’elle pivote dans ma direction et de sa position légèrement surplombante, au cul du bus, me lance un regard noir : intimidé, honteux de les espionner, je me mets à cligner des yeux - signe de mon malaise.
A chaque fois que le chauffeur ralentit à l’approche d’une station, les 6 femmes se taisent, suspendent net leur parole, et alors le bus semble plongé dans un silence létal, le temps de charger les nouveaux voyageurs, qu’elles évaluent et détaillent comme s’ils passaient au détecteur de métaux, ou de mensonges. Puis le mouvement reprend, celui du bus, celui des phrases.
Ma station est passée depuis longtemps, je ne suis pas descendu, je veux rester avec elles, dans leur aura, dans leur champ magnétique, et rien d’urgent ne m’attend ce soir.Elles descendent au terminus de la ligne, aux franges les plus reculées de la ville, sur un rond-point désertique planté d’un arbre et de trois lampadaires. Au loin la fumée blanche d’une usine de traitement des déchets, un terrain vague sans bordures, une autoroute sur la ligne d’horizon.
Mutiques à nouveau au moment de quitter le bus, comme si elles se méfiaient du chauffeur, elles reprennent leur babil rauque à l’air libre. Je descends, je les suis, je ne pense plus qu’à une chose, les suivre. Deux autres passagers me précèdent pour aussitôt disparaître dans la grisaille, indifférents à cette mystérieuse procession de femmes.
Je me tiens à distance, quelques mètres derrière elles, je manipule mon portable pour me donner une contenance, ne pas éveiller les soupçons.
Six vélos emmêlés autour d’un lampadaire attendent les 6 femmes. Il faut quelques minutes pour détacher les antivols, récupérer tous les vélos, que chacune retrouve le sien, règle la hauteur de la selle et du guidon.L’une d’elles à cet instant attire mon attention. Elle porte au poignet un bracelet de grelots, enfourche un vélo de course rouge. Elle est vêtue d’un jogging blanc satiné, pantalon et blouson accordés. Elle doit avoir 25 ans, elle est ronde et jolie, elle a la pâleur et les cheveux noirs de sa famille.
Je me souviens qu’un peu plus tôt dans le bus elle a posé sur ses genoux un sachet de fraises Tagada dont elle a mangé l’intégralité du contenu le temps du trajet, à la cadence d’un métronome - une fraise toutes les 20 secondes.La nuit vient, leurs silhouettes s’estompent, elles se placent à nouveau en file indienne pour prendre la route, chacune enfourche son vélo, un pied sur la pédale, l’autre encore à terre, la plus âgée a pris la tête du cortège, elles rouleront bientôt vers le nord – mon cœur s’emballe, comment les suivre ? Je ne veux pas perdre leur trace, pas maintenant, pas déjà.