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Ze histoire 16
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Chapitre 4
15 février 2013, par Andreas / Pierre-Gilles -
Souviens toi du 28e bataillon
13 décembre 2012, par Christophe MonnetL’atmosphère du studio s’était rafraichie. Peut être était-ce l’odeur de la mort qui avait soudain envahi Bianca, ce vacarme inouï dans la rue au moment où s’offrait à son regard ce membre arraché, cette patte d’oiseau qui lui semblait soudain si proche de celui qui l’observait et qu’elle ne parvenait pas à faire disparaitre de sa mémoire. Fly me to the moon et sa section de cuivres l’entrainait déjà vers un autre monde, elle se décida et stoppa Franckie et sa main d’argent avant qu’il ne lui promette un nouvel amour. Il était temps de prévenir ce frère si proche et si lointain d’une visite imminente d’un lointain parent d’Australie , engagé volontaire dans le 28e Bataillon maori parti sur le front durant la terrible bataille de Monte Cassino. Tenant le téléphone d’une main, elle écrase sa cigarette sur un amas de filtres au milieu du bureau et jette un regard soudain limpide comme le silence qui envahit la pièce sur l’étrange message qu’elle présent comme adressé à l’autre part d’elle, son frère, le fils reconnu, aimé, planche pourrie, égoïste et explorateur des contradictions de la famille. C’est tout de même mon frère, je dois le prévenir, se dit Bianca en composant le numéro du portable dont elle connait par coeur le répondeur. Allo, allo, je vous entends mal, ne quittez pas je vais me rapprocher de la sortie… ha non, définitivement je ne vous reçois pas, laissez moi un message, je vous rappellerai après le prochain siphon.
Bianca n’eu pas le temps de laisser de message, on frappait à la porte avec insistance.
Madame Bianca ! madame Bianca !
la concierge s’époumonait à l’étage.
Il est arrivé et il est parti, Pedro vous attend à la tour de Babel, il n’a pas pu rester plus longtemps, un rendez vous soudain…
La porte à demi ouverte laissait entrevoir Mme Robert impressionnée d’avoir à terminer son message face au regard vert et scrutateur de Bianca.
Oui madame, votre oncle me fait dire qu’il vous attend pour discuter avec les marionnettes de la montagne, chez lui, au 10 de la rue des rois de Sicile. Il ne pouvait plus attendre, le brave homme, mais je vois que vous êtes bien installée, je ne vous dérange pas plus longtemps, il s’en passe des choses aujourd’hui dans l’immeuble, je vous dis bonne nuit. A votre âge tout de même, les marionnettes de la montagne….
Déjà le pallier était désert, Bianca poussa la porte, son téléphone inactif à la main.
Sans refermer elle se saisit de son blouson de cuir vert et se précipitât dans la rue, soulagée de sentir enfin l’air frais entrer dans ses poumons. A cette heure elle ne tarda pas à trouver un taxi en maraude et s’y engouffra.
Gare de Lyon s’il vous plait, je voudrais attraper le dernier train pour Montélimar.
Le chauffeur enclencha la première en tapotant ton compteur, la radio diffusait l’équivalent de rien. Lui ne parlait simplement pas.
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Pākehā
28 novembre 2012, par Patrick VINCENTCelà lui revint en coupant les couches de scotch multiples qui fermaient l’accès au pli : Pedro devait obtenir cette semaine la réponse pour la traduction du nouvel épilogue des Géants de la montagne de Pirandello, celui dont on cherchait toujours la fin.
Voilà ce que ce vieux roublard de Pedro avait ramené depuis son arrivée en France : l’espoir à chaque courrier d’un contrat et la réalité de quelques relectures gratuites pour se faire un réseau.Pedro devait bien ça à son père, c’est tout ce qu’elle avait toujours entendu et qu’il puisse un jour veiller sur eux, elle et son frère, la faisait sourire. Pedro l’italien l’ancien de la mafia du port de Taranto en Sicile, passé gérant des parkings pour touristes qui avait fini par ouvrir une librairie italienne à Paris par quelque tour de passe passe administratif après que son père ait repris ses fonctions à l’ambassade de France à Rome en 1945.
Dehors la tempête ne démordait pas, une pancarte publicitaire claqua sur le sol, au même moment qu’une voiture freina et quelques bruits de klaxonne vinrent claironner dans la cour intérieure.
Elle sentit immédiatement les bords saillants sous les bulles de l’enveloppe. Une boîte.
La sortir ne lui pris pas plus de temps que de la repousser dans un cri sur le formica du bureau. A travers le cube en plexiglas on pouvait voir distinctement une patte d’oiseau accrochée à un étui rouge. Ou l’inverse, tant on ne savait plus ce qui tenait le reste.
Le tout était étrangement propre, et si elle n’avait quitté ses cours d’anatomie en avance alors qu’elle était en première année de médecine à Rome pour continuer des cours de basse en secret, elle aurait pû dire avec quasi-certitude qu’il s’agissait d’une anisodactylie ou d’une Zygodactylie méticuleusement nettoyés et remis en ordre. Que du sérieux pour passer en section supérieure.
Le petit étui lui ressemblait à ceux des histoires que l’on raconte aux enfants, celles où faute de fibre optique vous déposez votre message à la patte d’un oiseau qui bien élevé le portera à l’autre bout du pays.Incertaine, elle secoua l’enveloppe au dessus de la table et en tombèrent un bout de papier vielli roulé sur lui même ainsi qu’une feuille de papier.
Le premier parchemin venait sans nul doute de l’intérieur de l’étui de la patte d’oiseau et recouvert d’un message codé, commençant par ces termes étranges AOAKN RQXSR PABUZ.
Sur le second, on pouvait lire en grand ces mots tapés à la machine : Pākehā - 28th Battalion - FuocoElle s’assit et respira en regardant au loin. En de pareilles circonstances, ne restait que la prescription musicale qu’elle s’imposait lors des traductions : Richter pour les modes d’emploi, Joe strummer pour la poésie et Sinatra pour le reste.
Après avoir lancé le morceau en ligne la pomme de son ordinateur s’alluma pour lui rappeler que le nombre d’écoutes gratuites sur Deezer était expirée.C’est à ce moment qu’on sonna à la porte.
La Sinatra ne suffisait pas, il aurait fallu du Vian.
Elle reconnu immédiatement la voix de Madame Robert dont la fréquence du sifflement à l’expiration permettaient de deviner le nombre d’étages parcourus.
– Bon faut pas pousser la petite, il était bien mal équipé votre copain tatoué si il voulait vous attraper par la poésie. Il a gromelé votre nom, forcément je lui ai dit que vous étiez dans cet appartement à la place de votre frère qui n’habitait plus dans la cabane. Il a dû me sortir deux mots. Et pas du dictionnaire gaulois. Rien que votre nom. C’est pas permis d’aborder les dames avec tant de zèle... Mais je ne venais pas pour ça, tenez il y a votre Oncle Pedro en bas au studio. Il m’a dit qu’il avait quelque chose avec un contrat. Pour un Gérant de la montagne.Elle répondit qu’elle descendrait dans la demi-heure et répéta la mine résignée que Pedro n’était pas son Oncle. Les deux là auraient suffisamment à se dire pendant ce temps.
Pour l’instant il y avait plus urgent, il fallait qu’elle joigne son frère et sa tribu d’historiens irsutes en ardèche.
Elle remis Sinatra, alluma une cigarette et décrocha le téléphone tout en songeant à souscrire à un abonnement à Grooveshark. -
Une étrange enveloppe
28 novembre 2012, par Maylis De KerangalSur le palier, un homme lui fait face, vêtu de noir, le blouson siglé du logo d’une entreprise de coursiers qu’elle ne connaissant pas, et coiffé d’un casque intégral qu’il n’a pas pris la peine de retirer. Elle se fige bras croisée : oui ? Le type articule quelque chose qu’elle n’entend pas tout en lui tendant une enveloppe de papier kraft. Elle grimace, pointe un index sur son oreille : oh hé, ça vous dérangerait d’enlever votre casque ? Le type s’exécute, glisse l’enveloppe entre ses genoux tandis qu’il ôte son casque, révélant un visage tatoué — un visage que le tatouage rendait indécelable. Bianca Fuoco ? Voix enterrée, fortement accentuée. La jeune femme, interdite, hoche la tête, alors reçoit l’enveloppe dans les bras mais, le temps de la retenir et d’y jeter un œil, ahurie, l’homme tourne les talons et dévale les escaliers.
La porte refermée, Bianca s’immobilise quelques secondes, haletante, main sur la clenche, tête penchée vers le chambranle, oreille tendue vers la cage d’escaliers quand ses yeux, eux, inspectent l’enveloppe — une poche épaisse, scellée par un ruban de Chatterton marron, et muette, aucune inscription, rien, pas même son nom, pas même le code de l’immeuble — puis, le bruit des pas s’amenuisant, elle se précipite à la fenêtre, colle son front contre la vitre, et sans savoir pourquoi, commence de guetter le coursier qui, logiquement, ressortirait de l’immeuble six étages plus bas, pour remonter sur sa bécane, et filer.
Elle patiente, piétine, c’est long, plus long qu’elle ne l’aurait pensé, l’enveloppe est serrée contre sa poitrine, le verre est glacé contre son visage et son angle de vue très aigu, mais elle attend, garde les yeux baissés sur la portion de rue que l’homme traversera pour atteindre son scooter, et, juste en face, il y a toujours cette corneille noire qui défile comme à la parade, levant haut les pattes comme un soldat lors de la relève de la garde à Buckingham Palace. Alors le coursier est apparu, les habits noirs, le casque intégral sur la tête mais les cheveux longs flottant dans son dos jusqu’aux reins, les semelles de ses baskets touchant à peine l’asphalte quand il franchit la chaussée, et une fois au pied de sa machine elle le voit qui zippe son blouson, enfile ses gants, se place sur la selle en un mouvement de voltige, souple, rapide, un félin, puis s’incline en avant pour démarrer le moteur, quand, alors que rien ne le laissait prévoir, il a subitement pivoté le buste, fait volte-face vers l’immeuble et renversé la tête en arrière, comme pour regarder à la fenêtre de son studio, surprise elle pousse un cri, se recule, finissant même par s’esquiver derrière le rideau, où retenant sa respiration, elle observe le coursier : il ne démarre pas mais continue de fixer sa fenêtre, comme s’il savait qu’elle était là, cachée, l’enveloppe de plus en plus comprimée contre son corps, puis brusquement, faisant vrombir son moteur, il se détourne, s’élance dans la rue qui résonne comme un défilé rocheux, et disparait. Alors, reprenant ses esprits, Bianca saisit les ciseaux sur l’étagère, et cœur battant à tout rompre, ouvre l’enveloppe.