Les ouvriers terrifiés abandonnèrent le cadavre et coururent en direction de la sortie. En levant la tête pour s’informer des futurs obstacles qui leur feraient face, ils virent une lumière au bout du couloir mortel, la sortie assurément ! Ils reprirent leur allure, une lueur d’espoir persistait. Ils continuèrent inlassablement en direction de cette lumière, plus que quelques mètres... C’est en atteignant leur but qu’ils comprirent leur erreur : ce n’était pas la sortie, mais une simple fenêtre à la lumière de laquelle de très nombreuses plantes avaient pu pousser démesurément. Ils entendirent cependant derrière eux les cris de détresse d’un des leurs : « Aidez-moi !!! ». Les autres tournèrent leur regard et virent que des ronces l’avaient capturé. L’un d’eux fit un pas en avant dans le but de l’aider, mais ils virent que les ronces l’avaient presque entièrement recouvert, l’empêchant de respirer. Il avait tenté de faire demi-tour pour échapper à ce piège mes les plantes avaient déjà barré le chemin. Une première plante agrippa sa jambe, il essaya de se libérer mais une seconde plante vint emprisonner ses côtes, puis une troisième, une quatrième... tant de ronces qu’ils ne pouvaient plus les compter. Il s’écroula, se débattait, mais ses tentatives paraissaient bien risibles. Une plante remonta jusqu’à son cou, l’empêchant de respirer, il n’avait plus d’énergie et il finit par renoncer, acceptant le sort qui lui était destiné...
Malheureusement pour eux, les plantes avaient déjà atteint tout l’intérieur du manoir, elles se rapprochaient dangereusement. Pris de panique, ils essayèrent de sauter par-dessus mais les grandes épines les bloquèrent. Soudain, les ronces leur attrapèrent les pieds, les encerclèrent puis les recouvrirent. Les ronces progressèrent de plus en plus vite à travers le manoir, raflant tout les ouvriers sur leur passage.
Certains, qui étaient restés dehors, coururent pour tenter de s’enfuir avec le camion de la propriété mais les ronces gagnèrent du terrain. Elles se démultipliaient, grossissaient. On aurait dit qu’elles acquéraient une conscience ainsi qu’une froide envie de meurtre. Les ouvriers se débattirent comme ils le purent, déjà une ronce se tendait vers eux... L’un d’eux sortit de sa poche une machette, coupa les ronces qui étaient en train de l’envahir, puis réussissant à s’en défaire, aida ces camarades à en sortir. Ils coururent encore quelques mètres, ils étaient maintenant à une centaine de mètres de la bâtisse. De cet endroit, ils purent constater l’état du bâtiment, les plantes encerclaient son entièreté, elles faisaient comme une sorte d’armure, un rempart où il fallait absolument protéger ce qu’elle y cachait.
La progression des plantes était rapide et déterminée, comme si la nature elle-même avait décidé de rependre possession de ces lieux abandonnés depuis trop longtemps. Les ouvriers, ceux qui avaient été piégés par les lianes et les épines, tentaient en vain de se dégager. Des cris d’agonie résonnaient alors que la végétation s’entrelaçait autour de leurs membres, les immobilisant complètement. Au fur et à mesure que les ronces les recouvraient, une étrange transformation semblait s’opérer. Des bourgeons écarlates éclosaient à la surface de la peau des ouvriers, une lueur mystérieuse émanant d’eux. La plante semblait se servir du sang de ses victimes afin de se développer de plus en plus. Le manoir n’était plus que sang et ronces...
Le manoir, autrefois symbole de grandeur et de richesse, était désormais un théâtre macabre où la nature prenait sa revanche. Les murs de la demeure semblaient suinter d’une énergie étrange, les rendant complices de cette transformation inquiétante. Les plantes, désormais maîtresses des lieux, s’étendaient inexorablement à travers les couloirs, élargissant leur emprise sur chaque recoins du manoir. La lueur du crépuscule filtrait à travers les fenêtres du manoir, jetant des ombres fantomatiques sur cette scène étrange. Les plaintes étouffées des ouvriers, désormais transformés en émissaires d’une symbiose inattendue, résonnaient comme un écho sinistre de la défaite humaine face à une force insaisissable et implacable...
La seule personne qui a survécu à cet évènement ne peut en aucun cas nous faire part de ce moment car après ce traumatisme l’ouvrier a eu des troubles du sommeil, des souvenirs intrusifs, et donc en parler pourrait faire remonter des images et déclencher une crise. Aucune information claire n’a été transmise et cette partie de foret est à ce jour déserte, laissant faune et flore s’épanouir.
Année après année, les oiseaux vinrent timidement se percher sur les branches des grands chênes. Les rongeurs avaient eux aussi commencé à peupler la forêt. Un matin, alors que le soleil se levait dans une brume de journée automnale, un rouge-gorge se pointa dans le paysage féerique. Chaque jour, un nouvel animal ou végétal venait rejoindre les autres et trouver sa place en corrélation tous ensemble. Le manoir était splendide avec ces plantes qui le protégeaient et qui montaient jusqu’aux fenêtres de l’étage, avec ces fleurs poussant à certains endroits ce qui mettaient de la couleur à ce désastre crée par l’homme.
Les plantes étaient quant à elles retournées dans le sous-bois à côté du manoir. Les hommes avaient sûrement compris la leçon cette fois-ci et ils ne reviendraient, les plantes l’espéraient, plus jamais...
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La nature dans le sang