histoire 11

Après une chute de plusieurs mètres ils atterrissent sur un sol humide et poisseux. Ils ont des frissons à cause d’un courant d’air. L’odeur est forte et désagréable. Tout est noir. D’un seul coup, Bianca sent un mouvement furtif sur sa jambe : c’est un rat. Elle se réfugie dans les bras de Bruce et Ils comprennent alors qu’ ils sont perdus au milieu des égouts. Bianca tâte les objets dans son sac et en sort son téléphone portable pour demander de l’aide. Malheureusement, il ne fonctionne pas car il n’y a pas de réseau. En s’aidant de la lumière de l’écran, ils décident d’explorer les lieux pour trouver une sortie.
Après avoir tourné pendant un certain temps, ils arrivent à une intersection. Que faire ? Ils hésitent longuement, quand tout à coup, Bruce s’écrie : « Regarde ! Regarde ! Une feuille d’achemilla à gauche ! Prenons ce chemin. » Ils continuent à marcher mais au bout d’un moment ils tombent sur un cul-de-sac. Un mur leur fait face : cette fois deux feuilles sont dessinées.
Passionnée de séries policières Bianca, s’approche et cherche un moyen d’actionner le mur mais rien ne se passe. Bruce tente de l’aider mais toujours rien...Ils essaient à plusieurs reprises et, découragés, commencent à perdre espoir. Épuisée, Bianca s’appuie contre le mur, les larmes aux yeux. Bruce s’approche et pose sa main contre celle de la jeune fille.. et la paroi pivote !
Ils arrivent alors dans une espèce de grotte dont le sol est recouvert de feuilles d’Achemilla. Bruce la regarde dans les yeux, saisit sa main et lui dit d’un ton rassurant : "Ne t’inquiète pas nous sortirons ensemble d’ici, vivants". Bianca, interloquée, ne comprend pas le changement de comportement de Bruce.
Alors qu’elle se sent en sécurité tout près de Bruce, elle lève les yeux et aperçoit une silhouette dans le fond de la cavité. Ils avancent prudemment et Bruce s’empare du téléphone pour déclencher le flash : ils reconnaissent aussitôt le coursier tatoué. Bruce garde son calme, comme s’il s’attendait à tout cela, il s’avance vers l’homme et lui sert la main.
Le coursier prend la parole et lui dit qu’ils sont les seuls à avoir réussi les énigmes.
En entendant cette annonce, Bianca est bouche bée. Elle ne comprend pas ce qu’il se passe ; de nombreuses questions l’envahissent. Que se passe-t-il ? D’où sort ce coursier ? Pourquoi Bruce connait-il cet homme suspect ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’énigme ?
Elle se sent à la fois soulagée d’avoir survécu à tous ces pièges mais aussi trahie par Bruce. Ses yeux brillent mais elle-même ne sait pas si ce sont des larmes de joie...
C’est alors que le coursier reprend la parole et leur annonce qu’ils ont participé aux <>. Brusquement des projecteurs s’allument et la pièce s’illumine. Les jeunes jeunes gens d’abord éblouis remarquent bientôt la présence de plusieurs cadreurs, ils se découvrent en gros plan sur un écran géant au dessus d’eux et aperçoivent le public qui les acclame depuis les gradins... Bianca a du mal à le croire, mais maintenant elle comprend ... ils sont en plein jeu télévisé !
Bruce lui chuchote à l’oreille qu’il les a inscrit pour voir jusqu’où leur amour pouvait les conduire. D’ailleurs ils viennent de gagner un voyage à Hawaï... Emue, Bianca serre son ami dans ses bras, même si elle lui en veut de l’avoir entrainée dans cette aventure effrayante. Mais ses tous doutes s’arrêtent lorsque Bruce l’embrasse tendrement...

C’est sur cette bien belle image du bonheur que le réalisateur choisit de rendre l’antenne.

Chapitre 4 : Au centre de la terre

Après un vol sans problème et au cours duquel les deux jeunes gens échangèrent peu de mots, préoccupés par l’un par ses travaux professionnels, l’autre par l’énigme, ils arrivèrent à l’aéroport de Heathrow dans la mythique pluie londonienne vers une heure du matin.
Les deux jeunes gens hélèrent un « Black cab ». En s’engouffrant dans le taxi, la jeune fille fut frappée par un ouvrage qui avait été oublié sur la banquette et dont le titre Pierre de sang lui remémora ses recherches récentes sur la Secte des Salamandres. Elle le feuilleta négligemment. Elle se rappela aussi le passage de l’énigme indiquant le lieu de rendez-vous : « Au cœur de l’amour…Au cœur de l’amour…Au cœur de l’amour… » et sa déduction « La statue d’Eros ! » Elle avait cherché tous les renseignements possibles sur les trois touristes qui avaient trouvé la mort à Londres dix ans auparavant. Ces meurtres l’affectaient. Il y avait un lien entre ces crimes et l’énigme qui lui avait été soumise et elle était impatiente de le trouver. Le taxi démarra sèchement pour rejoindre la cohue de la capitale anglaise. Bercée par le ronronnement du moteur, Bianca commença à s’assoupir et Bruce en profita pour se rapprocher d’elle en posant doucement sa tête sur son épaule et la prit dans ses bras. Bruce admirait cette merveilleuse ville comme à chaque fois qu’il se rendait à Londres pour ses travaux. Il commençait à se laisser emporter par « la magie de Londres », expression que Bianca avait utilisée lorsqu’ils avaient pris leurs billets. Décidément ces deux- là s’entendaient à merveille. Il indiqua l’adresse de l’hôtel au chauffeur, à proximité du lieu de leurs recherches. Direction Piccadilly Circus ! Bianca, dans un demi-sommeil observa rêveusement le paysage qui défilait sous leurs yeux : une architecture bien propre à cette ville et quelques-uns de ses monuments mondialement connus. Tandis qu’elle regardait à travers la vitre teintée du véhicule, Bruce semblait bien plus absorbé à contempler la beauté de la jeune femme que les lieux. Après de longues minutes de route, le jeune duo sortit de l’automobile sans avoir oublié de donner un pourboire. Bruce déposa délicatement le manteau de la traductrice sur ses fines épaules tremblantes de froid. Ils se rendaient alors compte qu’ils se trouvaient dans la ville de leurs rêves… Cette énigme avait un bon côté ! Ils se couchèrent épuisés et s’endormirent.
Le lendemain, toute la magie qu’ils avaient ressentie avait disparu.
Bianca s’était réveillée en sursaut, dans les bras de Bruce, sortie de ses rêves par des pas lourds et des exclamations. Elle comprit très vite qu’il s’agissait de policiers déployés dans l’hôtel pour une raison encore inconnue par les tourtereaux. Ils descendirent pour prendre leur petit déjeuner mais en traversant le hall, ils découvrirent les bobbies regroupés. Bianca s’adressa à celui qui semblait diriger les opérations avec un accent anglais impeccable :
« J’ai entendu vos hommes à proximité de notre chambre, que s’est-il passé ? »
Un vol, suivi d’un meurtre avait eu lieu cette nuit-même, au même étage.
Après un solide breakfast, ils quittèrent leur hôtel, soucieux à l’idée qu’un homicide ait eu lieu si près d’eux.
Ils marchèrent d’un bon pas jusqu’à Piccadilly Circus.
Ils s’approchèrent de la statue et Bruce, comme tous les touristes qui les entouraient, prit de nombreuses photos de la place et de la fontaine. Bianca, quant à elle, s’approcha et l’examina avec précision, à la recherche du moindre indice. Au niveau du socle, elle remarqua une légère différence de coloris et un petit symbole qu’une main avait tracé, presque à l’insu de tous.
« L’indice se situe dans le cœur de la statue dit l’énigme mais le problème est que cette place est noire de monde pendant la journée, soupira Bianca. Je te propose que nous revenions de nuit, quand les touristes seront partis.
– Excellente idée, reprit vivement Bruce. En attendant, allons nous promener. Je suis certain que tu apprécieras une visite à la Tate Gallery ! »
De retour à l’hôtel, Bruce poursuivit la préparation d’une conférence qu’il devait donner dès leur retour à Paris et Bianca en profita pour mettre les photos prises quelques heures auparavant sur son ordinateur portable. Elle souhaitait agrandir les clichés afin de découvrir les moindres détails qui lui avaient échappé. Tout à coup elle poussa un cri et Bruce arriva en trombe : elle lui indiqua ce qui avait attiré son attention : une feuille d’achemilla avait été esquissée à l’intérieur du bassin, à la limite de la surface de l’eau. Au même moment, le téléphone de leur chambre retentit. Lorsque Bianca décrocha, elle entendit distinctement ce message :
« L’indice est au cœur de l’amour, l’indice est au cœur de l’amour. »
Perplexe, elle raccrocha sans dire un mot et scruta de nouveau l’écran.
Quelques instants plus tard, Bianca et Bruce enfilèrent des vêtements sombres pour passer inaperçus sur les caméras lorsqu’ils se rendraient à la nuit tombée à Piccadilly Circus.
Ils décidèrent d’aller manger dans un petit pub, Martha’s, que connaissait bien Bruce et ils y savourèrent un délicieux fish and chips.
Puis ils retournèrent à Piccadilly Circus.
L’angoisse commençait à se faire sentir, ils échangèrent un regard à la fois complice et effrayé, puis s’élancèrent vers la statue d’Eros, ne sachant pas ce qu’ils allaient y trouver exactement.
Dès qu’ils aperçurent la statue, ils ralentirent le pas, Bruce prit Bianca par la main. Bianca, troublée par ce geste, baissa le regard et s’empourpra.
Au loin, il leur sembla voir un homme tatoué, d’apparence identique au coursier que la traductrice avait reçu chez elle quelques jours auparavant, quand soudain il disparut. Intriguée par le mystère qui entourait cet homme, Bianca esquissa un mouvement pour le rejoindre. Bruce la rattrapa rapidement. Il ne connaissait pas l’existence de cet individu et Bianca l’informa brièvement des événements survenus rue des Vinaigriers.
– D’après l’énigme nous devons aller dans le cœur de la statue chercher l’indice. As-tu les feuilles d’alchemilla ? Je suis certain que nous en aurons besoin !
– Tu as raison, tu vas m’aider à entrer dans le bassin. Mais imagine que l’indice ait un rapport avec les meurtres des touristes ? Ils cherchaient sûrement la même chose que nous…
Bruce vit une opportunité pour plaire à l’élue de son cœur et lui proposa de l’accompagner.
Ils entrèrent alors tous deux dans le bassin et l’inspectèrent, avançant avec précaution, de l’eau jusqu’à mi-cuisses, à la recherche de l’indice que Bianca avait distingué sur son écran quelques heures auparavant. Bruce aperçut un petit bouton exactement à l’emplacement du dessin. Il y plaça les deux feuilles et appuya. Dans un grondement sourd, le bassin se vida et une trappe s’ouvrit au fond de la fontaine. Avant qu’ils n’aient pu faire un mouvement, les deux jeunes gens furent happés.

Bruce et Bianca se dirigeaient vers le laboratoire. Ils étudiaient et déchiffraient le monocondyle, aidés par toute la documentation dont regorgeait la bibliothèque du scientifique. Ils réussirent, au bout d’une demi-journée à retranscrire le message. Malgré toutes les tasses de café ingurgitées durant la matinée, ils ne comprenaient toujours pas sa signification car la position des lettres était incohérente.
Bruce perdant son sang-froid souleva la table et laissa échapper la traduction du monocondyle. Celle-ci plana jusqu’à ce qu’elle se pose juste devant le miroir, disposé près de la porte. Là, ils comprirent qu’ils avaient fait fausse route depuis le début. Il suffisait d’inverser les lettres pour former une vraie phrase. En effet, il était écrit :

Come to Piccadilly Circus, the clue is at the heart of love, use your two hands.

Bianca le traduisit par :

Soyez à Piccadilly Circus , l’indice est au coeur de l’amour. Utilisez vos deux mains.

Sur le mot ’amour’, le teint de Bruce vira au rouge écarlate. Bianca s’en aperçut. Elle lui demanda pourquoi il avait eu une telle réaction. Il balbutia que le fait d’avoir découvert le message le remplissait d’une joie subite.

Le lendemain, après avoir passé une nuit tourmentée par les réflexions, ils se retrouvèrent pour continuer les recherches. Pendant que Bruce chercherait la provenance des feuilles en forme de mains, Bianca de son côté, se documenterait sur la place de Piccadilly Circus. Après un modeste repas, ils croisèrent leurs informations. Bruce commença :
« J’ai trouvé la provenance de la feuille. C’est une feuille d’Alchemilla qui ne pousse que dans des régions reculées de Grèce. Et toi ?
– Je pense avoir trouvé quelque chose en rapport avec tes découvertes : sur la place de Piccadilly Circus, il y a une statue représentant Éros, le dieu de l’amour. Il vient tout droit de Grèce, comme tes feuilles !!!
– Mais qu’attendons-nous ?
– Ne t’inquiète pas, j’ai acheté les billets, nous partons demain pour... »

Soudain, ils sursautèrent car la radio venait de se mettre en marche toute seule. Bianca allait l’éteindre lorsqu’elle entendit ce que la machine racontait : « Trois touristes ont été retrouvés morts au pied de la statue d’Éros ». Intriguée, Bianca alla sur internet pour faire une recherche sur les assassinats de la place. Elle trouva que ce n’était pas les premiers meurtres. Trois autres touristes avaient trouvé la mort sur cette même place dix ans auparavant.
Le jour suivant Bianca et Bruce s’envolaient pour Londres.

C’est un épais papier blanc, replié plusieurs fois afin de former un étui. Il est rêche, peluche et crisse doucement sous les doigts. Bianca le sort doucement, le déplie, quelque chose se libère et chute vers le plancher, quelque chose de léger et de volatile : une feuille d’arbre. Etonnée, Bianca se penche au sol, ramasse la feuille, puis l’observe en fronçant les sourcils : brune et sèche, nervurée de rouge sombre, elle ressemble à une main ouverte. Les yeux de la jeune fille s’écarquillent quand son cœur lui s’emballe, elle fonce vers son bureau et d’un geste vif soulève la couverture de Voyage au centre de la Terre : l’autre feuille est bien là. Bianca les pose ensemble, bien à plat sur devant elle pour les comparer : ce sont les mêmes feuilles, elles semblent bien issues du même arbre, de la même plante. Mais lesquels ? Elle se tourne vers l’étui de papier blanc qui contenait la feuille, s’approche pour mieux voir : on dirait un vieux papier, une calligraphie extraordinaire tracée à l’encre rouge occupe toute la page, folie de boucles déliées, jaillissement d’anneaux, accumulation de courbes. Bianca s’égare dans cette composition, puis repère en haut à gauche de la feuille dépliée, une série de chiffres, rien d’autre.
La jeune fille replace les deux feuilles dans le roman de Jules Verne, puis se laisse tomber sur le canapé, épuisée soudain, perplexe, et cherchant à trouver du sens aux événements bizarres de l’après-midi : des feuilles d’arbres venues de nulle part parvenaient jusque chez elle, transportées par le vent, ou bien empaquetées dans un fourreau de papier recouvert d’une écriture inconnue et livrées alors par un coursier au visage encore recouvert de signes. Et toujours cette corneille qui faisait les cent pas à hauteur de sa fenêtre et s’immobilisait de temps à autres pour planter chez elle ses petits yeux ronds et fixes, indéchiffrable.

Bruce. C’est lui qui peut l’aider, il saura reconnaître l’inscription rouge, nommer les feuilles, peut-être même identifier le tatouage sur le visage du coursier et décrypter l’humeur de la corneille, Bruce sait tout — presque tout sur presque rien, à moins que se soit l’inverse, répond-il à ceux qui le questionnent sur le champ de ses connaissances. À l’instant pile où Bianca saisit son téléphone portable, un concert de grillons se déchaine dans la pièce et un prénom apparaît sur l’écran tactile : Bruce. Bianca stupéfaite saisit l’appareil et articule Bruce !? tandis qu’une voix toute proche, où s’entend un sourire oblique, annonce Bianca, je suis en bas de chez toi, je peux monter te voir ? Bianca hoche la tête, oui, oui, raccroche, tourne sur elle-même, c’est dingue, et moins d’une minute plus tard, Bruce apparaît dans l’embrasure de la porte, rouge — essoufflé par les étages ?, ému de voir Bianca ? —, le cheveu en bataille, et ses grands yeux sombres cernés de bistre couvent immédiatement la jeune fille qui l’embrasse sur la joue, oh Bruce, c’est fou, tu ne me croiras pas mais j’allais t’appeler, je voulais te faire voir un truc. Sans ôter son manteau, le jeune homme suit Bianca jusqu’à la table du bureau : l’étui de papier est là, qui semble attendre. Regarde, c’est quoi cette inscription ? Bruce se penche, bientôt fronce les sourcils, un silence concentré épaissit l’atmosphère du studio, les secondes s’écoulent, qu’est-ce que c’est que ce truc, il murmure à voix basse comme pour lui seul, et soudain son visage se détend, Bianca, c’est un monocondyle. Un quoi ? Elle s’approche de lui, les têtes se frôlent, un monocondyle, il murmure, une inscription faite d’un seul trait, qui fait le plus souvent office de signature, de sceau, c’est en général un signe censé authentifier un document, tu comprends ? Puis, il repère les chiffres en haut à gauche de la feuille : ici, regarde, c’est une date, la date d’aujourd’hui. Donc quelqu’un t’a écrit aujourd’hui. Comment as-tu récupéré ça ?
Bianca s’est levée, elle allume la bouilloire pour préparer du thé tout en faisant à Bruce le récit de son après-midi bizarre, lui du coursier tatoué et des feuilles tout en lui indiquant d’un coup de menton le volume de Voyage au centre de la Terre, ouvre-le, tu vas les voir. Bruce soulève la couverture, les feuilles sont là, au repos, il les saisit l’une après l’autre, les observe, conclut Bianca, je n’ai jamais vu des feuilles de cette espèce, il faut faire une recherche, que tu m’en prêtes une pour que je puisse l’avoir sous la main pour faire des comparaisons. Bianca lui tend un mug de thé noir et fumé, ok, prend-en une. Puis, son regard se fige au ras de la tasse : Bruce, j’y pense il y a ici des manuels qui pourraient nous servir — elle parle maintenant d’une voix fébrile — le locataire précédent était fou de botanique, il a laissé de gros livres de plantes dans un placard sur le pallier, on va commencer par là. Elle a parlé d’une voix monocorde, le visage tourné vers la fenêtre, et il la regarde avec grande intensité, Bianca, je voulais te dire un truc. Elle tourne alors la tête vers lui, tu devrais enlever ton manteau, le temps de décrypter le monocondyle et de faire un peu de botanique avec moi !

Sur le palier, un homme lui fait face, vêtu de noir, le blouson siglé du logo d’une entreprise de coursiers qu’elle ne connaissant pas, et coiffé d’un casque intégral qu’il n’a pas pris la peine de retirer. Elle se fige bras croisée : oui ? Le type articule quelque chose qu’elle n’entend pas tout en lui tendant une enveloppe de papier kraft. Elle grimace, pointe un index sur son oreille : oh hé, ça vous dérangerait d’enlever votre casque ? Le type s’exécute, glisse l’enveloppe entre ses genoux tandis qu’il ôte son casque, révélant un visage tatoué — un visage que le tatouage rendait indécelable. Bianca Fuoco ? Voix enterrée, fortement accentuée. La jeune femme, interdite, hoche la tête, alors reçoit l’enveloppe dans les bras mais, le temps de la retenir et d’y jeter un œil, ahurie, l’homme tourne les talons et dévale les escaliers.

La porte refermée, Bianca s’immobilise quelques secondes, haletante, main sur la clenche, tête penchée vers le chambranle, oreille tendue vers la cage d’escaliers quand ses yeux, eux, inspectent l’enveloppe — une poche épaisse, scellée par un ruban de Chatterton marron, et muette, aucune inscription, rien, pas même son nom, pas même le code de l’immeuble — puis, le bruit des pas s’amenuisant, elle se précipite à la fenêtre, colle son front contre la vitre, et sans savoir pourquoi, commence de guetter le coursier qui, logiquement, ressortirait de l’immeuble six étages plus bas, pour remonter sur sa bécane, et filer.
Elle patiente, piétine, c’est long, plus long qu’elle ne l’aurait pensé, l’enveloppe est serrée contre sa poitrine, le verre est glacé contre son visage et son angle de vue très aigu, mais elle attend, garde les yeux baissés sur la portion de rue que l’homme traversera pour atteindre son scooter, et, juste en face, il y a toujours cette corneille noire qui défile comme à la parade, levant haut les pattes comme un soldat lors de la relève de la garde à Buckingham Palace. Alors le coursier est apparu, les habits noirs, le casque intégral sur la tête mais les cheveux longs flottant dans son dos jusqu’aux reins, les semelles de ses baskets touchant à peine l’asphalte quand il franchit la chaussée, et une fois au pied de sa machine elle le voit qui zippe son blouson, enfile ses gants, se place sur la selle en un mouvement de voltige, souple, rapide, un félin, puis s’incline en avant pour démarrer le moteur, quand, alors que rien ne le laissait prévoir, il a subitement pivoté le buste, fait volte-face vers l’immeuble et renversé la tête en arrière, comme pour regarder à la fenêtre de son studio, surprise elle pousse un cri, se recule, finissant même par s’esquiver derrière le rideau, où retenant sa respiration, elle observe le coursier : il ne démarre pas mais continue de fixer sa fenêtre, comme s’il savait qu’elle était là, cachée, l’enveloppe de plus en plus comprimée contre son corps, puis brusquement, faisant vrombir son moteur, il se détourne, s’élance dans la rue qui résonne comme un défilé rocheux, et disparait. Alors, reprenant ses esprits, Bianca saisit les ciseaux sur l’étagère, et cœur battant à tout rompre, ouvre l’enveloppe.