Derrière les adolescents, une voiture de police à pleine vitesse. C’est le retour à la case départ , l’alarme du désespoir. Les sirènes sont de plus en plus fortes et les lumières bleues et rouges sont encore plus aveuglantes.
Les fugitifs entrent dans une ruelle si étroite que les policiers sont obligés de sortir de leur voiture, armés de tasers, de pistolets et de matraques. Désormais, la mort et le désespoir se traduisent par la couleur bleue : le bleu de la mer et de la noyade, et maintenant le bleu des tenues des policiers.
La course poursuite, pour laquelle les policiers sont désormais privés de l’atout de la voiture, continue. Mamadou, le plus endurant, finit à être à bout de souffle bien après les autres.
Soudain, ils repèrent un immeuble délabré visiblement facile d’accès. Ils pénétrent dans ce qui semblait être le hall. Les boites aux lettres sont détachées et les carreaux du sol ont disparu. Ils commencent à monter l’escalier qui grince sous leurs pas. Arrivés au premier étage, ils entendent le bruit d’une porte qui s’ouvre.
Yaguine tourne la tête mais la porte s’est déjà refermée. Il aurait pu cependant affirmer qu’on les observait.
– On compte monter jusqu’où ? souffle Fodé.
Yaguine ne répond pas. Il lève la tête et devine encore que deux étages se trouvent au-dessus d’eux.
– Allons jusqu’en haut, répond-il
Yaguine est interrompu par le bruit d’une porte qui se ferme. Ils se retournent d’un mouvement pour voir une silhouette se rapprocher d’eux. Un homme, plutôt de grande taille, le visage balafré.
Suivez-moi.
Il repart sans se soucier s’ils le suivent ou non. Ils hésitent quelques secondes, avant de comprendre qu’il n’y a de meilleure option. Ils descendent au premier étage et Mamadou comprend que c’était cet homme qui les avait observés. À peine sont-ils rentrés que l’homme se précipite pour fermer la porte avec quatre verrous dépareillés. À l’évidence, il ne voulait pas que quelqu’un puisse entrer dans son appartement.
« Alors comme ça vous êtes en cavale, pas vrai ?
Yaguine et Fodé échangent un regard complice, acquiescent d’un hochement de tête.
– J’ai peut-être une solution, poursuit-il. Tout dépend de combien vous pouvez payer. Je connais des personnes qui pourront éventuellement vous fournir des faux papiers. »
Yaguine et Fodé se consultent du regard. Bien sûr, c’était là une offre très alléchante mais il ne leur reste presque rien. Ils sortent alors avec prudence de l’immeuble.
Après quelques jours de fuite et à dormir dans des locaux étroits et inhabités, ils repèrent une camionnette de marchandises contenant des produits alimentaires dans le coin d’une ruelle et y montent discrètement.
Le moteur du camion rugit puis se dirige vers une destination inconnue. Ils n’osent pas chuchoter de peur que le chauffeur qui passe un appel téléphonique ne les repère. Mamadou-Labib-Yazid trébuche malencontreusement sur une caisse contenant des bananes. Ce dernier regarde désolé ses compagnons, lorsque le chauffeur stoppe soudain son véhicule. La porte claque. Les pas se rapprochent. Le chauffeur fait coulisser les portes, il n’a pas le temps de regarder le contenu de sa camionnette que Mamadou l’assomme.
Il déplace le corps inconscient entre des caisses-palettes après avoir vérifié qu’il est toujours en vie et s’installe au volant. Après quelques heures de route, un bus percute brusquement la camionnette qui se retrouve dans un fossé et s’enflamme quelques secondes plus tard.
Nous nous rappellerons de ces jeunes qui essayaient d’atteindre leurs rêves.