L’Espagne, pays rêvé, pays réel.
L’Espagne, à l’horizon enfin.
L’Espagne, après tant de chemin parcouru.
L’Espagne, après tant de déroutes, d’incertitudes et de doutes.
Certains rêves aident à tenir debout dans le vide.
Et dans le vent du monde.
Certains rêves fondent l’existence dans son plein chant.
Certains rêves ne meurent jamais et gardent en vie les âmes déracinées.
Yaguine et Fodé viennent d’un rêve formé dans une poignée de main, un rêve simple comme bonjour où les jours et les nuits rappent pour conjurer le sort.
Et la peur des lendemains qui meurent avant d’être nés.
Yaguine et Fodé reviennent de loin en loin.
De là-bas au-tréfonds des silences qui assourdissent l’avenir et aveuglent le présent.
Yaguine et Fodé sont arrivés en Espagne, juchés sur les épaules de la mer.
Et ils savent qu’il n’y aura jamais assez de sel pour brûler leur langue.
Les deux garçons savent qu’il y aura toujours une chanson à écrire, un poème à chanter pour repousser les ténèbres et déployer leurs ailes d’enfants de la terre.
Yaguine et Fodé rappent et rapperont encore demain en choeur :
Hasta la poesia siempre !
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Histoire 04
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4 Hasta la poesia siempre
31 janvier 2022, par Marc Alexandre OHO BAMBE -
3/ Aux portes d’une nouvelle vie ?
17 décembre 2021, par Collège Laurent Mourguet , Collège Laurent Mourguet, Collège Laurent Mourguet, Collège Laurent MourguetPendant le voyage, nous parlons de nos frères et sœurs qui nous manquent et de nos rêves. Tout le monde est tendu, le canot peut se retourner à tout moment et certains parmi nous ne savent pas nager. Les conversations servent à nous occuper durant ce long moment de tension. Yaguine n’a jamais navigué et découvre qu’il a le mal de mer. Certains sont effrayés par l’immensité qui les entoure, la difficulté de se repérer et la nuit qui tombe. Ils sont épuisés mais ne parviennent pas à s’assoupir de peur de déstabliliser le bateau. Comme nous sommes très nombreux dans cette barque, nous souffrons de la soif et de la faim parce que nous n’avons pas pu prendre assez de provisions.
Le vent se lève et les vagues se creusent.
Une goutte tombe sur la petite embarcation. Puis une deuxième. Et tout d’un coup, c’est le déluge comme s’il n’avait jamais plu depuis des mois. Des vagues commencent à se former et nous comprenons vite que la barque ne tiendra pas longtemps.
– Est ce que ça va Yaguine ? demande Fodé.
Yaguine espère pouvoir raconter un jour cette traversée à ses enfants. Certains parmi nous prient à voix basse, d’autres se racontent des histoires de leur village, d’autres encore sont habitués à la mer et restent calmes, entonnent une chanson pour rester vigilants.
Heureusement, la tempête se calme aussi vite qu’elle était arrivée. Les heures suivantes sont enfin plus calmes. Fatigués d’avoir été crispés et tendus pour anticiper les vagues, nous décidons de nous reposer à tour de rôle.
Ibra, qui s’est engourdi, se déplace précautionneusement pour changer de position mais le bateau heurte un OFNI et notre compagnon perd l’équilibre, bascule et tombe brusquement à l’eau. Nous voyons Ibra se débattre, tenter de maintenir sa tête hors de l’eau, tendre une main pour agripper le bord de l’embarcation.
Mais le courant est fort, la barque dérive et tangue dangereusement. Dans le bateau, nous voulons lui porter secours mais nous ne trouvons ni bouée, ni gilet de sauvetage ni corde à lui lancer. Le passeur ne nous a rien laissé. Alors, malgré les avertissements de ceux qui parmi nous sont accoutumés à la mer, nous nous déplaçons trop nombreux pour essayer de rattraper Ibra et le bateau chavire.
Aussitôt, nous nous retrouvons tous à l’eau à nous cramponner à la frêle embarcation, saisis par la température de l’eau et ballotés par les vagues.
Nous échangeons des regards, avec la terreur qu’à tout moment l’un d’entre nous lâche prise et se noie.
La nuit est tombée. Combien de temps pourrons-nous tenir ? Une lueur apparaît dans l’obscurité. Un navire ? Certains parmi nous crient pour attirer l’attention dans l’espoir d’être secourus. Quelques minutes plus tard, un bateau de pêche signale que nous avons été repérés en activant la corne de brume.
Nos mains glacées nous font mal. Nous grelottons. Nous allons tous être engloutis. Le chalutier arrive près de nous, une ombre crie quelque chose que nous n’entendons ni ne comprenons. Des silhouettes surgissent sur le pont, nous font des signes puis lancent dans notre direction des gilets de sauvetage, des bouées. Le bateau s’approche au plus près. Certains parmi nous parviennent seuls à se hisser à bord, d’autres dérivent en raison des remous et nous les perdons de vue. Nous ne savons pas à ce moment-là si ils auront été sauvés. Sur le pont, certains perdent connaissance, tandis que d’autres essaient de communiquer avec nos
sauveteurs qui nous tendent des couvertures. Le capitaine nous dit que nous allons vers l’Espagne. -
2/ Du désert à la mer
21 octobre 2021, par Collège Jean Moulin, Collège Jean MoulinIls voudraient avancer, avancer dans cette mer, avancer dans ce sable, mais une force les retient : la force de la peur, leur peur de la douleur.
Épuisés, fatigués, marchant à l’unisson vers ce voyage sans fin dans l’espoir d’un meilleur lendemain.
Ils traversent ce désert où seul le sable leur tient compagnie.
Peu à peu, la fatigue se fait sentir,
Piégés dans ce désert sans fin.
Nos jambes enlisées refusent d’avancer.
Une tempête fonce droit sur nous,
Elle semble invincible.
Nous nous regardons d’un œil anxieux,
Prêts à affronter ce nuage sableux.
Nous donnons corps et âme pour survivre,
Essayant de trouver un abri et un rocher, solide, protecteur, luttant lui aussi.
Le sable nous a énormément affaibli et nous sommes, pour la plupart, tombés malade à sa suite.
Luc est très affaibli et l’inquiétude est à son comble.
Et toi mon frère,
Et toi ma sœur,
Entends-tu sa souffrance ?
Entends-tu notre douleur ?
Qui le sauvera ?
Qui nous sauvera ?
Nous prions, nous crions, mais Luc ne répond pas.
Nous prions, nous crions mais ça ne sert à rien.
Ses lèvres s’assèchent et son corps s’affaisse.
Nous prions nous crions, le rap nous aide.
Nous prions nous crions mais Luc cède,
Son cœur s’arrête,
C’est la fin.
Au loin, une ligne de dromadaires apparaît dans le paysage.
Est-ce un mirage ?
Nous nous dirigeons vers les passeurs et ces braves gens acceptent de nous prendre.
Au bout de quelques jours ils nous abandonnent, prétextant que nous sommes trop encombrants.
Notre soulagement n’était donc qu’une illusion !
Les conditions sont dures mais encore une fois, le rap nous réconforte et nous rappelle qui nous sommes vraiment.
Tous les soirs nous nous asseyons et regardons les étoiles, pensons à Luc, chantons, pleurons.
Nous faisons cela pour construire notre vie, construire notre avenir.
Nous faisons cela pour changer, oublier ce qu’on a vécu avant.
Nous faisons du rap pour oublier.
Sans le rap nous ne sourions pas.
Nos amis tentent de garder la flamme allumée,
Malgré le froid de la nuit,
Dont l’étau se resserre sur leurs corps.
Soleil de plomb et lune d’argent,
Glaciales et froides nuits,
Tentent de guérir tant bien que mal
Leurs cœurs nostalgiques et mélancoliques
La peur de mourir les pousse à courir, à sourire et à croire en l’avenir.
Après de nombreux pas et de nombreux combats,
Le Maroc leur tend les bras.
Livrés à eux-mêmes, une petite barque s’échoue sur la plage.
Le petit groupe monte dedans.
L’embarcation tangue sous le poids de leur malheur,
Les emportant loin ;
Loin de leur misère,
Loin de leur douleur. -
1/ Aux portes du désert marocain.
17 septembre 2019, par Marc Alexandre OHO BAMBE« Qui veut renoncer ? » gronde le passeur, en se retournant vers les gamins tremblants mais déterminés. La nuit tombe doucement doucement sur leurs pieds qui ont déjà tant marché. Personne ne répond. Renoncer ? il n’en est pas question. Pas après tous les risques encourus, tous les sacrifices consentis, les souffrances endurées. Renoncer ? C’est impossible pour ces jeunes gens aux regards hagards, en quête d’azur, ces jeunes gens prêts à tout pour une vie meilleure. La vie est soleil devant ! se répète Yaguine au fond de lui. La vie est soleil devant ! c’est son mot d’ordre, pour avancer, toujours avancer, sans se retourner, ni dévier de la route de ses rêves. Rêves qu’il trace, à l’encre de sa plume révoltée. Et c’est sur cette route, que Yaguine rencontre Fodé.
Ils ont le même âge. Et la même passion pour les mots et la musique. Le Rap qui les lie, les libère aussi. Très vite entre eux, c’est l’évidence de l’amitié, fraternité d’âmes déracinées. Très vite, des textes naissent, écrits à quatre mains.Sur la route. Yaguine, Fodé et d’autres compagnons d’infortune, Isma, Ibra, Luc, Estelle, Félicité et vous.
Face à une mer de sable qui s’étend à l’infini, et à cette conscience si humaine, que la douleur s’allège, quand on la partage.Bonjour mon frère, bonjour ma sœur, comment va ta douleur… ?