Le sol sec craque sous me pieds. Mes pas ne crissent plus sous la neige fraiche qui a disparu depuis tant d’années. Ils écrasent le sol rocailleux. La lune éclaire mon trajet et me guide dans la nuit. Je suis dans un état de transe quasi spirituelle, impatiente de gravir ce sommet déserté de neige et de visiteurs depuis si longtemps. Je suis seule. Aucun bruit. Pas un seul animal. Un vent chaud souffle sur mon visage. Mon sac abrite le message que je dois donner en offrande à la montagne. J’ai aussi pris d’autres objets témoins de notre époque à lui laisser. Ils ont été soigneusement choisis par les enfants de la vallée, rescapés du dernier cataclysme thermique qui a définitivement fait disparaitre la neige. En poursuivant mon ascension, je croise un mort vivant. Revient il du sommet ? Est il seul ?
Prologue
3h50, j’émerge de mon sommeil.
Après un an de préparation et deux mois d’attente dans ce refuge, la clef de mon expédition est arrivée. Je peux enfin rejoindre le sommet.
Je quitte silencieusement mon duvet, ferme mon sac et descend dans la salle commune. Quelques-uns sont là.
– Encore une insomnie ? me demande-t-on
– Non, cette fois-ci c’est la bonne, je pars.
– Combien de temps cela fait-il que personne n’est allé là-haut ?
– 20 ans et 3 jours, depuis la disparition de la dernière glace.
– Si tu y penses, transmets-lui un message de ma part, j’aimerais tellement lui présenter mes excuses.
Je souris. Aujourd’hui, je sèmerai dans le vent de nombreux "pardons" à l’adresse du dernier glacier de France de ce siècle. J’ouvre la porte, et contemple le sommet éclairé par la Lune.
Une rencontre inattendue !
De la peur à la joie !
Cet homme me paraît si fragile et semble être gelé. Je me demande comment il fait pour réussir à faire un pas après l’autre. Soudain, je me souviens que quelques jours auparavant j’avais lu dans le journal une étrange disparition au sommet de la montagne. Un groupe d’amis avait pris l’ascension du pic alors que des tempêtes de neige étaient annoncées. Mais étrangement après des heures de tombées de neige, tout avait disparu en seulement quelques heures !
Sûrement ce qui avait permis à cet individu de survivre dans le froid et de retrouver son chemin. Mais où était donc le reste de la troupe ?
Compter sur l’animal.
Ai-je vraiment envie de rencontrer le reste de la troupe ? J’imagine une horde de morts vivants hagards et faméliques et je frissonne. La vérité est que je préfèrerais rencontrer un chamois bien vivant et content de l’être, mais mon imagination m’entraîne sur d’autres chemins. Je vois déjà une femme encore prise dans la glace et que l’on ramènerait à la vie. Depuis combien de temps est-elle là haut ? Fait elle partie de la même expédition ? Quelle langue parle-t-elle, à supposer qu’elle sache encore parler ? Je poursuis mon ascension et continue à divaguer quand soudain une ombre se déplace à mon coté. Mon cœur s’arrête. Je manque de lâcher mon piolet. L’ombre grandit. Et enfin je respire : ce n’est que le chamois dont je rêvais, celui qui survivra même sans glace, celui qui veille sur les lieux et continue à faire vivre cette montagne. Il va m’accompagner jusqu’au sommet, je sais que je peux conter sur lui. Et je suis prête à affronter les autres surprises que le lieu me réserve...
Crevasse
Je le suis avec confiance, protégeant mes yeux du soleil brûlant de fin du monde, levé depuis quelques heures déjà. Je calque mes pas sur le rythme de mon souffle et reste attentif aux moindres détails du chemin, au moindre cailloux. Il y a quelques dizaines d’années, ces mêmes cailloux étaient recouverts par des mètres de neige et de glace, qui tenaient la montagne dans leur embrassade glacée. Aujourd’hui, le moindre mauvais mouvement pouvait faire s’effondrer toute la montagne. Mes muscles sont endoloris, l’oxygène est rare et le réveil matinal se fait maintenant bien sentir. Soudain, l’animal s’arrête. Je ne le comprends qu’en arrivant près de lui : il est au bord d’un précipice insondable. Pendant quelques secondes, le désespoir me prend : il semblait impossible de franchir le vide. Mon expédition allait-elle s’arrêter là, aussi bêtement ? L’animal se tourne vers moi, l’air grave, et ouvre la bouche.
Révélation
Tu es un humain. Je te plains. Tu ne survivras pas longtemps. Tu sens déjà le froid dévorant tes chairs. La torpeur qui t’envahi.
Ton espèce est devenue l’ennemi du monde. Et toi avec ton repentir misérable. Tes pardons ne me semble qu’être un peu plus de vapeur réchauffant l’atmosphère.
Bon pas suffisamment... tu vas mourir de froid malgré tout.
C’est ironique n’est-ce pas ?
De toute façon tu n’es que le début. C’est toute ton espèce qui est vouée à disparaître, pour la survie des autres.
Je ne peux plus t’aider.
Il est temps de rejoindre l’abîme.
Adieu.
Une rencontre inattendue !
Le sol sec craque sous me pieds. Mes pas ne crissent plus sous la neige fraiche qui a disparu depuis tant d’années. Ils écrasent le sol rocailleux. La lune éclaire mon trajet et me guide dans la nuit. Je suis dans un état de transe quasi spirituelle, impatiente de gravir ce sommet déserté de neige et de visiteurs depuis si longtemps. Je suis seule. Aucun bruit. Pas un seul animal. Un vent chaud souffle sur mon visage. Mon sac abrite le message que je dois donner en offrande à la montagne. J’ai aussi pris d’autres objets témoins de notre époque à lui laisser. Ils ont été soigneusement choisis par les enfants de la vallée, rescapés du dernier cataclysme thermique qui a définitivement fait disparaitre la neige. En poursuivant mon ascension, je croise un mort vivant. Revient il du sommet ? Est il seul ?
De la peur à la joie !
Cet homme me paraît si fragile et semble être gelé. Je me demande comment il fait pour réussir à faire un pas après l’autre. Soudain, je me souviens que quelques jours auparavant j’avais lu dans le journal une étrange disparition au sommet de la montagne. Un groupe d’amis avait pris l’ascension du pic alors que des tempêtes de neige étaient annoncées. Mais étrangement après des heures de tombées de neige, tout avait disparu en seulement quelques heures !
Sûrement ce qui avait permis à cet individu de survivre dans le froid et de retrouver son chemin. Mais où était donc le reste de la troupe ?
Compter sur l’animal.
Ai-je vraiment envie de rencontrer le reste de la troupe ? J’imagine une horde de morts vivants hagards et faméliques et je frissonne. La vérité est que je préfèrerais rencontrer un chamois bien vivant et content de l’être, mais mon imagination m’entraîne sur d’autres chemins. Je vois déjà une femme encore prise dans la glace et que l’on ramènerait à la vie. Depuis combien de temps est-elle là haut ? Fait elle partie de la même expédition ? Quelle langue parle-t-elle, à supposer qu’elle sache encore parler ? Je poursuis mon ascension et continue à divaguer quand soudain une ombre se déplace à mon coté. Mon cœur s’arrête. Je manque de lâcher mon piolet. L’ombre grandit. Et enfin je respire : ce n’est que le chamois dont je rêvais, celui qui survivra même sans glace, celui qui veille sur les lieux et continue à faire vivre cette montagne. Il va m’accompagner jusqu’au sommet, je sais que je peux conter sur lui. Et je suis prête à affronter les autres surprises que le lieu me réserve...
Crevasse
Je le suis avec confiance, protégeant mes yeux du soleil brûlant de fin du monde, levé depuis quelques heures déjà. Je calque mes pas sur le rythme de mon souffle et reste attentif aux moindres détails du chemin, au moindre cailloux. Il y a quelques dizaines d’années, ces mêmes cailloux étaient recouverts par des mètres de neige et de glace, qui tenaient la montagne dans leur embrassade glacée. Aujourd’hui, le moindre mauvais mouvement pouvait faire s’effondrer toute la montagne. Mes muscles sont endoloris, l’oxygène est rare et le réveil matinal se fait maintenant bien sentir. Soudain, l’animal s’arrête. Je ne le comprends qu’en arrivant près de lui : il est au bord d’un précipice insondable. Pendant quelques secondes, le désespoir me prend : il semblait impossible de franchir le vide. Mon expédition allait-elle s’arrêter là, aussi bêtement ? L’animal se tourne vers moi, l’air grave, et ouvre la bouche.
Révélation
Tu es un humain. Je te plains. Tu ne survivras pas longtemps. Tu sens déjà le froid dévorant tes chairs. La torpeur qui t’envahi.
Ton espèce est devenue l’ennemi du monde. Et toi avec ton repentir misérable. Tes pardons ne me semble qu’être un peu plus de vapeur réchauffant l’atmosphère.
Bon pas suffisamment... tu vas mourir de froid malgré tout.
C’est ironique n’est-ce pas ?
De toute façon tu n’es que le début. C’est toute ton espèce qui est vouée à disparaître, pour la survie des autres.
Je ne peux plus t’aider.
Il est temps de rejoindre l’abîme.
Adieu.